La parole à Philippe Gomès

La parole à Philippe Gomès

Philippe GOMES, Député de Nouvelle-Calédonie

Monsieur le député, vous êtes l’auteur avec Philippe VIGIER d’un rapport d’information sur les mécanismes de défiscalisation des investissements outre-mer rendu en juillet dernier. Quel bilan dressez-vous de ce dispositif ?

Avant tout celui d’une relative instabilité de ses règles tant la défiscalisation outre-mer a fait l’objet de nombreuses modifications en 32 ans, jusqu’à remettre en cause son existence même notamment lorsque la dépense fiscale est l’objet de toutes les attentions. L’opportunité m’a donc été offerte de rappeler à quel point l’aide à l’investissement outre-mer se justifie afin de compenser les handicaps structurels dont souffrent les économies de nos territoires (éloignement, cherté de la vie, taille des marchés). Et pourtant le poids de la dépense fiscale correspondante n’a cessé de décroître depuis 2011. Le cumul des aides ne représente plus en 2016 que les deux tiers de sa valeur d’il y a six ans, soit une diminution de 445 millions d’euros.

À ce constat s’ajoute celui de mécanismes de plus en plus complexes et distincts entre territoires d’outre-mer selon qu’ils relèvent de l’article 73 de la Constitution, de l’article 74 ou s’appliquent en Nouvelle-Calédonie. Un crédit d’impôt pour les premiers cités et la défiscalisation traditionnelle pour les autres, une procédure d’agrément totalement déconcentrée pour les uns face à une procédure partiellement déconcentrée dans le seul secteur du logement social pour les autres. J’y ajouterai une tendance lourde à l’allongement régulier de la durée d’instruction des dossiers comme l’a démontrée une étude commandée par la FEDOM qui fait état d’une durée moyenne de 25 mois ! C’est ce qui m’a conduit à redouter que ces éléments soient plus le reflet de blocages préjudiciables à l’investissement dans les outre-mer que celui d’un meilleur contrôle de ces mécanismes.

Selon vous quelles sont les principales difficultés auxquelles se trouvent confrontées les entreprises aujourd’hui ?

J’en citerai principalement trois. En premier lieu l’absence de solutions pérennes de préfinancement du crédit d’impôt. Depuis qu’il s’est substitué à la défiscalisation traditionnelle, l’aide est dorénavant perçue par les entreprises de manière décalée à compter de la réalisation de l’investissement. Il leur faut donc préfinancer cette aide. Et je rappelle que l’écrasante majorité du tissu économique ultramarin est constitué de TPE/PME, qui portent 90% des dossiers de défiscalisation et font face pour la plupart d’entre elles à un manque chronique de fonds propres. À ce sujet, les engagements pris pour accompagner les entreprises n’ont pas été tenus. Toujours pas de dispositif de préfinancement à taux zéro (pourtant prévu par la loi de finances 2016) et un appui du secteur bancaire plus que timide qu’il s’agisse des outils dédiés de Bpifrance ou de l’offre des banques présentes outre-mer.

Une autre difficulté réside dans l’inadéquation du calendrier d’agrément avec le cycle de commande et de réalisation de l’investissement. Comme je vous le disais, les délais d’instruction s’allongent sans cesse, faute notamment de cadre légal suffisamment contraignant en la matière. Une réponse ferme rapide, même négative, vaudra toujours mieux que de longs mois voire années d’incertitudes.

Enfin il m’est apparu que la doctrine n’était pas adaptée lorsque l’administration est saisie de projets dont la réalisation dépasse une année. C’est tout le problème de la notion de fait générateur qui induit une appréciation au fur et à mesure et souvent un « découpage » artificiel des dossiers. Ce sont pourtant les projets les plus lourds, les plus créateurs d’emplois et les plus structurants pour nos économies.

Vous avez formulé 25 propositions dans votre rapport dont la délégation outre-mer de l’assemblée nationale vient d’approuver à l’unanimité le contenu. Pourriez-vous nous en citer les principales ?

Ces propositions poursuivent trois objectifs essentiels : une plus grande attractivité et une simplification des outils de défiscalisation, une réduction des délais d’instruction et un assouplissement dans leur mise en œuvre. Je crois que le dispositif du « PINEL » dans le sécurisé du logement locatif illustre la nécessité de réviser certains mécanismes. Faute de différentiel de taux suffisamment attractif entre la métropole et l’outre-mer (voire entre territoires ultramarins eux-mêmes), le dispositif n’atteint pas ses objectifs. Je recommande d’en augmenter le taux pour les collectivités de l’article 73 et de créer un taux majoré pour les collectivités du Pacifique.

Parmi les mesures permettant de raccourcir les délais, je citerai l’encadrement de la procédure d’agrément des biens productifs dans un délai de six mois maximum, le retour à la notion d’agrément préalable ou l’élargissement de la procédure déconcentrée d’agrément des investissements productifs aux collectivités de l’article 74 et à la Nouvelle-Calédonie.

Il est à mon sens essentiel de geler le mécanisme de baisse progressive de seuils de recours à la défiscalisation traditionnelle tant que de mécanismes efficients et pérennes de préfinancement ne seront pas en place, et de permettre la prorogation de l’option entre le crédit d’impôt et le mécanisme traditionnel de défiscalisation.

À l’heure où le « réflexe ultramarin » doit s’imposer dans la conduite de nos politiques publiques, je crois surtout que l’adaptation de cet outil fiscal majeur pour le développement économique de nos territoires, auquel nous renvoie le livre bleu outre-mer, constitue une ardente obligation. J’espère que ce rapport y contribuera.

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