L’essor des activités de croisière en Polynésie Française, levier de développement économique et touristique

L’essor des activités de croisière en Polynésie Française, levier de développement économique et touristique

Avec l’arrivée programmée de French Bee et de United Airlines en plus des compagnies opérant déjà, la Polynésie française va connaitre une croissance de l’offre en sièges de 40% en 2019 en année pleine sur l’axe Paris-Californie-Tahiti ; route qui draine 60% de la fréquentation touristique. D’aucuns diront tant mieux, c’est ce qu’il faut pour développer le tourisme. Nous revoilà donc au centre de l’éternel débat de la poule et de l’œuf : pour avoir plus de touristes faut-il d’abord plus de sièges d’avion ou plus de chambres d’hôtels ?

Ce débat est donc sur le point de connaître un éclairage nouveau en Polynésie française. Les sièges sont à la vente. L’offre devrait donc passer de 209 000 sièges en aller-retour en 2017 à 278 000 en 18-19 sur la route Paris-Tahiti via les USA. Pour rester dans des conditions de rentabilité équivalente, les compagnies aériennes devront transporter 56 000 passagers de plus à l’arrivée à Tahiti, soit une croissance de 26% de la fréquentation touristique. Une étude récente du service du tourisme recense une offre de 2744 chambres pour l’hébergement hôtelier classé et 1498 pour la petite hôtellerie familiale. Le potentiel de croissance touristique offert par les compagnies aériennes risque de se heurter très vite à un déficit de réceptif hôtelier. Or, il faut entre 4 et 5 ans pour construire un hôtel classé.

Avec 118 îles réparties sur 5 millions de Km², la Polynésie française offre un terrain de jeu unique et des opportunités de circuits « découvertes » sans pareil pour des navires de croisière à taille humaine (entre 150 et 350 cabines) ; le tout dans un environnement sécuritaire optimal.

Au sein de ses 5 archipels, la Polynésie française offre une variété d’îles (îles hautes, atolls, etc.) aux charmes et environnements différents, mais où (sorti des îles les plus connues) l’hôtellerie classée est peu ou pas développée. Ce sont souvent des structures de petite hôtellerie familiale ou des logements chez l’habitant aux capacités limitées qui sont offertes. Un bateau de croisière de taille raisonnable se révèle être la solution la plus appropriée pour aller au contact de populations accueillantes et diverses qui ne demandent qu’à partager leur culture sans pour autant vivre un sentiment « d’invasion ».

Oui, mais voilà : la croisière est une « niche » qui attire près de 25 millions de passagers tous les ans et connait une croissance à 2 chiffres grâce, notamment, à l’ouverture des marchés asiatiques. De ce fait, les grands chantiers navals ont des carnets de commandes avec des navires, véritables villes flottantes, toujours plus gros (entre 4000 et 6000 passagers).

Sur nos îles d’escales usuelles, en termes d’infrastructures et de capacités en activités touristiques, 4 îles peuvent recevoir des navires de 800 à 1500 passagers dans de bonnes conditions, 3 îles pour des navires de 1500 à 2500, et 12 îles peuvent accueillir des escales jusqu’à 800 croisiéristes. En revanche, en-deçà de 350 passagers, ce sont plus de 25 îles d’escales qui sont concernées. C’est donc un segment hautement stratégique pour la destination en général et ces îles en particulier, tant en gamme de prestations que de capacités opérationnelles.

Par ailleurs, depuis 2009, avec les professionnels et les pouvoirs publics, le plan de développement du secteur aura permis notamment une croissance spectaculaire de plus de 100% du nombre d’escales et de touchées passagers entre 2012 et 2016, avec une nouvelle phase de croissance supplémentaire qui s’amorce en 2018. Après différentes révisions majeures des réglementations locales dès 2011, touchant à la fois à la fiscalité de l’activité, aux règlementations phytosanitaires, aux procédures d’entrées et de séjour du personnel des navires, le cadre législatif a été entièrement renouvelé sur 5 ans. Différentes escales ont été également remises à niveau depuis 2015 en terme d’infrastructures et de logistique opérationnelle, et ce programme doit se poursuivre au moins jusqu’en 2021 avec la mise en service d’un terminal de croisière dans le Port de Papeete. Les relations avec les opérateurs internationaux et la professionnalisation de la filière en Polynésie française se renforcent également chaque année depuis 10 ans. Un comité de pilotage du secteur de la croisière a été mis en place en août 2017, et permet au gouvernement et aux professionnels de conduire et apprécier les stratégies de développement spécifiques pour les mois et années à venir.

Le navire idéal pour nos eaux doit en fait être construit spécifiquement pour notre territoire. Il doit être de taille moyenne et pouvoir accéder à nos baies et lagons. Après consultation et échanges avec des compagnies de croisière de renom, spécialisées dans les croisières « découvertes », culturelles et pédagogiques, il s’avère que ce type de navire peut être construit et opérationnel en deux ans. Mais ce type de bateau à un coût et, forcément, s’amorti sur beaucoup moins de cabines. Les récents avantages fiscaux votés par les autorités de Polynésie française ont démontré la volonté du Pays d’attirer ce type d’investissement, mais semblent de pas suffire pour arriver à convaincre des professionnels de construire un bateau à baser localement. Donner à la croisière le bénéfice des dispositifs nationaux d’aide fiscale à l’investissement outre-mer (dits « Girardin »)= apparaît alors comme le complément indispensable qui pourrait nous permettre d’aller défendre, auprès des compagnies, la réalisation d’un tel investissement et s’installer durablement en Polynésie française. Une modification du code général des impôts qui rendrait de nouveau éligible les bateaux de croisière pourrait prévoir notamment des limites en matière de lieux et durée d’opérations, et de taille maximale (en nombre de cabines par exemple).

Est-il besoin de rappeler tous les bénéfices de la croisière pour notre territoire ? La croisière représente désormais près de 25% des retombées économiques du tourisme en Polynésie française.

– apports sur la fréquentation touristique pour les têtes de ligne au départ de Papeete : près de 35% de nos visiteurs séjournent en croisière et 60% d’entre eux prennent entre 2 et 3 nuits d’hôtels à Tahiti en pré ou post embarquement ; ces mêmes croisiéristes représentent entre 25 et 30 000 passagers par an pour les compagnies aériennes ; la Polynésie est réputée comme une destination où les activités annexes (excursions sur le lagon, dans les îles, etc.) se vendent très bien.

– effets collatéraux sur l’emploi dans l’hôtellerie, l’aérien, les transporteurs au sol, les agences maritimes, les avitailleurs, l’artisanat, les prestataires d’activité, etc. Toute une économie qui peut reposer sur un seul navire.

– En moyenne, 40% des retombées économiques de la croisière sont dépensées à terre selon l’Institut de la Statistique. C’est un revenu crucial pour les prestataires d’activité, les transporteurs terrestres, les commerçants et les artisans, qui leur permet de maintenir et développer leurs activités dans des îles en dehors des flux touristiques principaux (et d’y maintenir des populations et une attractivité touristique transversale).

En conclusion, nous reviendrons à la question soulevée en introduction : La croissance touristique viendra-t-elle du nombre de sièges d’avions ou du nombre de chambres d’hôtels ?

À court terme, une partie de la réponse réside peut-être dans les bateaux des croisières. 2 navires pouvant accueillir 400 passagers drainent plus de 40.000 passagers par an, et permettraient de consolider dans la durée l’augmentation de l’offre de la desserte aérienne internationale.

Le regain de l’offre hôtelière est aujourd’hui au cœur de la stratégie du Pays, que ce soit sur l’hôtellerie internationale classée, la parahôtellerie (maisons d’hôtes et meublés de tourisme) et l’hôtellerie flottante (charter nautique et croisière). Le gouvernement polynésien a pris de nombreuses initiatives législatives et financières dans ce sens et sur la base d’un plan stratégique pluriannuel dans lequel sont associés tous les acteurs sociaux économiques. Le Pays se prend en main. Reste à la Nation de nous accompagner dans ces développements majeurs pour notre économie insulaire.

Michel Monvoisin, PDG Air Tahiti Nui

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