Quand la CJUE menace la TVA NPR
Un arrêt important vient d’être rendu par la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE, 19 octobre 2017, Affaire « Solar Electric Martinique» C-303/16) dans une affaire de TVA NPR, avec pour conséquences l’absence de protection du droit de l’union dans les DOM, et un risque de voir confirmer les positions restrictives de l’administration fiscale en matière de TVA NPR dans de nombreux secteurs.
La CJUE, saisie par le Conseil d’État d’une question préjudicielle afin de savoir si la vente et l’installation de panneaux voltaïques et de chauffe-eau solaire sur des immeubles constituent une opération unique ayant le caractère de travaux immobiliers, s’est déclarée incompétente pour statuer.
La société Solar Electric n’avait en l’espèce soumis à la TVA que la part de l’opération correspondant à l’installation du matériel et pas les équipements fournis en application des dispositions exonérant de TVA la vente ou l’importation de ces biens. L’administration fiscale soutenait au contraire qu’il fallait analyser l’opération comme une prestation de services de nature immobilière entièrement soumise à la TVA.
Le litige a été porté devant le Conseil d’État qui a sursis à statuer afin de poser à la CJUE la question préjudicielle suivante : la vente et l’installation de panneaux voltaïques et de chauffe-eau solaires sur des immeubles ou en vue d’alimenter des immeubles en électricité ou en eau chaude constituent-elles une opération unique ayant le caractère de travaux immobiliers au sens de la Directive TVA ?
La CJUE se déclare incompétente pour statuer sur cette question préjudicielle
Pour justifier sa décision, la CJUE considère que le litige se situe en Martinique « territoire expressément exclu du champ d’application des directives, comme les autres DOM.
La Cour considère que l’article 295 du Code général des impôts (exonération au titre de la TVA NPR) invoqué en l’espèce correspond à un régime dérogatoire aux règles applicables sur le territoire français et ne saurait être considéré comme procédant à un renvoi direct et inconditionnel aux dispositions du droit de l’Union Européenne.
Ainsi, la CJUE estime qu’elle ne peut pas statuer sur une question préjudicielle inhérente à une exonération spécifique propre aux Dom et non prévue par les directives.
QUELLES CONSEQUENCES ?
Le Commentaire du cabinet d’avocats FIDAL :
Cette décision, lourde de conséquence pour les DOM appelle deux constats :
– D’une part la CJUE n’a pas saisi l’opportunité qui lui était offerte de préciser davantage la notion de travaux immobiliers, qui demeure une zone d’incertitude dont l’administration fiscale (en métropole et dans les DOM) se prévaut afin de prononcer des redressements.
– D’autre part, cette déclaration d’incompétence fait courir le risque aux entreprises de ne plus pouvoir se prévaloir des arrêts de la CJUE dans le cadre des litiges situés dans les DOM, dès lors que les dispositions en cause ne sont pas prévues par le droit de l’UE ou ne procèdent pas à un renvoi direct et inconditionnel.
Il conviendra dès lors de se montrer particulièrement vigilant s’agissant de litiges situés dans les DOM, l’administration fiscale risquant d’invoquer fréquemment cette décision afin de contrer les arguments européens avancés par une entreprise dans le cadre d’un contrôle fiscal notamment.
Le Conseil d’État aura donc la lourde responsabilité de trancher la question du régime de TVA NPR de l’affaire en cause sur la « seule » base des règles françaises.
Il faudra ainsi attendre son arrêt dans les semaines à venir pour en tirer les conséquences sur la TVA NPR des panneaux photovoltaïques, des chauffe-eaux solaires, mais également d’autres équipements (climatiseurs, algecos, racks…)