Note de conjoncture (juin 2017) sur Wallis et Futuna

Note de conjoncture (juin 2017) sur Wallis et Futuna

Note de conjoncture

 

Wallis et Futuna est le territoire français le plus éloigné de l’hexagone et le plus isolé, situé à 2000 Km de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Protectorat français depuis la fin du XIXème siècle, Wallis et Futuna s’est vu conféré le statut de territoire d’outre-mer en 1961 à la suite d’un référendum en décembre 1959. La population s’est prononcée à plus de 99 % pour le rattachement à la France.

Le Territoire est constitué de deux îles principales éloignées de près de 250 Km, chacune ayant une personnalité très distincte, ne serait-ce qu’en raison de l’origine du peuplement. Celui de Wallis est d’origine tongienne, celui de Futuna d’origine samoane. La France a rapproché deux îles qui n’ont pas d’histoire commune.

Wallis et Futuna est un territoire profondément authentique, peu ouvert aux influences extérieures, sans guère de contacts avec son environnement régional proche faute de moyens de communication, sans fréquentation touristique, avec une population culturellement et ethniquement très homogène et sous l’influence profonde de la religion et de la coutume. Le respect de celles-ci est expressément garanti par la loi statutaire de 1961.

  1. Sur le plan Institutionnel et politique : le poids de l’Etat, de la coutume, et de la religion

Longtemps dépendance administrative de la Nouvelle-Calédonie, le Territoire s’en est détaché peu à peu. L’Accord particulier conclu en 2003 entre l’État, la Nouvelle-calédonie et le Territoire à la suite des accords de Nouméa consacre cette évolution.

Le statut de 1961 définit encore aujourd’hui un équilibre des pouvoirs réservant une place significative et réelle aux autorités coutumières pour tenir compte de la nécessaire transition à l’époque entre trois royaumes souverains et un territoire d’outre-mer français.

 

  • Le poids unique de la Coutume 

L’article 3 de la loi du 29 juillet 1961 rappelle la prise en compte de cette spécificité : « la République garantit aux populations du territoire des îles Wallis et Futuna […] le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu’elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi ».

Le territoire est partagé entre trois royaumes : Uvéa qui recouvre l’île de Wallis ainsi que Sigave et Alo à Futuna. Sous réserve des différences d’organisation, chaque royaume est dirigé par un roi, assisté d’un Premier ministre et de ministres. L’État verse ainsi une dotation annuelle aux rois pour couvrir leurs frais ainsi qu’une indemnité aux ministres et chefs coutumiers.

L’organisation des trois royaumes et des chefferies

Les trois royaumes disposent d’un monarque, non désigné par voie héréditaire mais élu par les familles aristocratiques. Chaque roi nomme les chefs de district.

 

Le royaume d’Uvéa (nom coutumier de Wallis) est placé sous l’autorité d’un souverain, le Lavelua, aujourd’hui Takumasiva Aisake Patalione (anciennement Président de l’assemblée territoriale de Wallis, élu LR).

L’accession au trône ne se fait pas de père en fils mais résulte de compromis et d’accords entre familles princières et dignitaires du royaume. Le roi peut également être destitué par ceux qui l’ont nommé.

Le Lavelua joue un rôle d’arbitre et gouverne, aidé par un Premier ministre et des ministres. Il est assisté d’un Premier ministre, le Kalaekivalu et de six ministres. Il nomme en outre les chefs – Faipule – des trois districts de l’île qui ont eux-mêmes autorité sur les chefs des villages – Pule kolo – au nombre de vingt. Ces chefs sont plébiscités ou démis parmi les alikis (familles nobles d’origine tongienne) lors d’assemblées des villageois dites fono, réunies dans une case commune appelée fale fono.

 

Futuna, quant à elle, se partage entre le royaume d’Alo -le plus grand car il comprend également l’île d’Alofi- et celui de Sigave. Les rois, le Tuigaifo à Alo et le Keletaona à Sigave connaissent des règnes brefs. Leurs faits et gestes sont soumis à la surveillance des membres de leur conseil, issus des familles princières. La tradition -qui semble souffrir quelques entorses- veut qu’ils ne s’expriment pas directement dans les assemblées mais seulement par le truchement d’un porte-parole.

  • Le rôle prééminent du représentant de l’Etat, Chef du territoire. Une assemblée territoriale aux compétences limitées.

L’Etat est représenté par un Administrateur Supérieur, issu du corps des préfets. Le titulaire actuel du poste est Jean-Francis Treffel.

En qualité de représentant de l’État, l’administrateur supérieur exerce les compétences régaliennes : la défense du territoire, l’ordre et la sécurité publics, le respect des lois, des règlements et des décisions de justice, les relations et communications extérieures, l’enseignement, la tenue de l’état civil, le fonctionnement du Trésor et de la douane, le contrôle administratif et financier ainsi que l’administration de la justice.

Pour l’exercice de sa mission en matière d’enseignement, l’État assure directement la gestion de l’enseignement secondaire. En revanche, il concède celle de l’enseignement primaire à la mission catholique des îles Wallis et Futuna à laquelle il est lié par convention.

La collectivité territoriale que constitue le Territoire de Wallis-et-Futuna comprend un organe délibérant – l’assemblée territoriale – et, de manière unique aujourd’hui depuis les lois de décentralisation, un exécutif représenté par l’administrateur supérieur. Le représentant de l’État est ainsi le chef du Territoire.

L’Administrateur supérieur, chef du territoire préside de droit le Conseil Territorial dont les vice-présidents sont les trois Rois de Wallis et Futuna.

Il représente comme chef du Territoire, le Territoire en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il est le chef des services publics territoriaux et l’ordonnateur du budget territorial.

L’administrateur supérieur exerce des prérogatives exorbitantes du droit commun puisqu’il est appelé à approuver les délibérations de l’assemblée territoriale. À défaut, les délibérations ne sont pas exécutoires.

L’assemblée territoriale est élue au suffrage universel direct tous les 5 ans. Le Président actuel, élu en mars 2017 est David Vergé. A noter l’instabilité des Présidences puisque le Bureau de l’Assemblée doit obligatoirement être renouvelé chaque année. Les compétences de l’assemblée territoriale sont limitées et limitativement énumérées

Ce cadre institutionnel réserve une place centrale au représentant de l’État qui exerce une « tutelle » sur la collectivité. Ce système institutionnel devenu archaïque, car ne permettant pas aux élus de prendre toute leur responsabilité dans le développement du Territoire, est resté globalement inchangé depuis 1961.

Mais les autorités coutumières se sont jusqu’à présent opposées à toute modification de l’équilibre des pouvoirs de crainte de perdre le leur.

  1. Sur le plan économique, quelles perspectives possibles ?
  • Des handicaps structurels majeurs

En matière de transports, le Territoire ne dispose pas des moyens de rompre son isolement géographique. Absence de liaison maritime entre les îles de Wallis et de Futuna. Le Territoire est donc totalement dépendant du transport aérien. Tant la desserte inter-îles ainsi que les vols internationaux (uniquement vers la Nouvelle-Calédonie via Fidji) sont assurées par la compagnie néo-calédonienne AIRCALIN qui, en situation de monopole, impose des tarifs prohibitifs. Un billet Wallis-Nouméa coûte ainsi près du double d’un billet Paris/Fort-de-France. Assurée par deux Twin-Otter de 12/14 places de plus de 40 ans d’âge, la desserte de Futuna à partir de Wallis est totalement inadaptée et ne permet d’envisager aucun projet de développement de Futuna.

Il faut noter que le Territoire de Wallis et Futuna connaît un mouvement massif d’exode de population depuis quinze ans vers la Nouvelle-Calédonie (30 000 wallisiens et futuniens vivant en Nouvelle Calédonie, soit environ 3 fois la population actuelle du Territoire soit moins de 11 000 habitants) mais aussi vers la métropole. La chute très importante de sa population constitue aujourd’hui le défi majeur auquel doit faire face le Territoire (baisse de 18 % de la population entre 2003 et 2013)

Ces éléments de cadrage expliquent les difficultés à mettre en œuvre de vraies perspectives de développement.

Les principaux défis pour ce territoire ont été identifiés : la modernisation de la gouvernance, la sécurisation du foncier, la structuration du tissu économique, l’amélioration du niveau de formation de la population.

  • Quelles perspectives à moyen et long terme ?

Le Territoire de Wallis et Futuna tente de se projeter à l’horizon 2030 et a défini dans le cadre de sa stratégie de développement les 4 grandes domaines prioritaires : le développement des activités tertiaires délocalisées, le tourisme, l’économie bleue et le secteur primaire.

Il faut noter que deux grands projets structurants et de coopération régionale ont été lancés ces dernières années et sont aujourd’hui sur le point d’aboutir : le projet de de raccordement au câble numérique sous-marin « Tui samoa » qui doit permettre de faire acceder le territoire au très haut débit d’ici 2019 (financé par le FED) et l’ouverture en 2018 d’une liaison aérienne régulière entre le Territoire et Fidji afin de faciliter les échanges et limiter le lien de dépendance avec la Nouvelle Calédonie (l’appel d’offre international a été ouvert).

Quelques enjeux de court terme mis en avant par les acteurs locaux et sur lesquels la FEDOM pourrait le cas échéant se pencher :

  • Développer les structures de financement de l’économie (quid du rôle de la BPI/ AFD à Wallis ?) dans un contexte marqué par une faiblesse du réseau bancaire et de crédit et l’offre de financement pour les entreprises. A cela s’ajoute une faible utilisation de la défiscalisation depuis les scandales et fraudes massives qui ont marqué le territoire récemment.

La seule banque privée présente est la Banque de Wallis et Futuna (BWF), filiale de la BNP. Au-delà les possibilités de financement disponibles sur le territoire sont les suivantes :

  • La BEI qui a accordé des prêts au Territoire pour le financement de programmes d’électrification et d’amélioration des routes ;
  • La SOGEFOM, société de financement gérée par l’AFD qui intervient à travers plusieurs instruments : le fonds de garantie SOGEFOM qui permet de cautionner jusqu’à 80% des prêts consentis par les établissements de crédit aux entreprises. La garantie Renforcement de la Trésorerie (RT CCE) est distribuée pour garantir les crédits de trésorerie des TPE/PME ; le fonds de garantie à l’habitat (FGH) pour soutenir le dispositif des prêts immobiliers consentis par l’AFD ; le fonds de garantie des très petites entreprises créé pour garantir les microcrédits et prêts d’honneur consentis par l’ADIE.

Ces instruments, d’après les socio-professionnels locaux, ne sont clairement suffisants et ne permettent pas de répondre aux enjeux. A voir précisément ce qui ne fonctionne pas.

A noter la très faible capacité des entreprises locales à produire des documents comptables et des bilans de qualité nécessaires aux demandes de crédit.

  • Enjeu : Il est donc primordial de réfléchir à la mise en place d’une structure spécifique de financement pleinement adapté à la situation locale (sur le modèle SOFIDEP en Polynésie par ex) qui permettent de partager les risques entre Etat et acteurs privés (prises de participation provisoires de l’Etat, garanties de prêts bancaires…) et de faire de l’accompagnement à la gestion et à la comptabilité des entreprises ?
  • Enjeu : relancer la défiscalisation peu mobilisée suite aux scandales passés.
  • Créer un office du tourisme local, en lien avec la volonté politique affichée de développer un tourisme local patrimonial via la nouvelle liaison aérienne ;
  • Aider le secteur primaire (pêche, agriculture vivrière…).
  • Sécuriser le foncier (du fait de la coutume et de la tradition orale, pas de cadastre, de titres de propriétés enregistrés, de plan d’urbanisme, de règles domaniales, etc, autant de freins à l’installation d’opérateurs économiques extérieurs…)
  • Utiliser au mieux l’atout fiscal pour attirer des sociétés (notamment activités tertiaires délocalisées, filiales de banques, assurances, etc. Entreprises de NC qui pourraient être intéressées d’échapper à un niveau d’imposition devenu important). Développer le pavillon Wallisien et attirer les armateurs, particulièrement attractif (la compagnie du Ponant l’a adopté).
  • Quid de la poursuite des activités d’exploration des fonds marins (consortium ERAMET/ TECHNIP/ IFREMER) au large de FUTUNA ?
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