la question du Nickel en Nouvelle-Calédonie

la question du Nickel en Nouvelle-Calédonie

Note de synthèse : la question du Nickel

 

  1. Contexte économique global

En préambule, il faut rappeler que la Nouvelle Calédonie a connu une forte croissance entre les années 1960 et 2010. Sur cette période, le PIB a crû en moyenne au rythme de 3,9% par an en termes de PIB réel. En 2015, le niveau moyen de revenu par habitant est ainsi comparable à celui de la métropole et nettement supérieur à celui des DOM. Le PIB nominal par habitant est comparable à celui de la Nouvelle-Zélande. Entre 1995 et 2010, l’emploi salarié dans le secteur privé et l’activité ont crû en moyenne de 3,6% par an.

Cette situation exceptionnelle de rattrapage a été possible en grande partie par l’exploitation du Nickel (et par les transferts de la métropole). La demande a été alimentée grandement pas des investissements directs étrangers dans le secteur du Nickel).

Mais le contexte économique de la Nouvelle-Calédonie s’est détérioré depuis 2015. L’industrie du Nickel qui représente autour moins de 10% du PIB aujourd’hui (le chiffre a considérablement augmenté entre 1998 et 2008, on est passé de 3% du PIB environ à plus de 16% en 2007/pic pour redescendre à moins de 10%), rencontre de graves difficultés en raison de l’effondrement des cours mondiaux.

La Nouvelle-Calédonie possède environ 25 % des ressources mondiales de nickel, mais elle ne détient que 9 % des réserves planétaires, au même niveau que l’Indonésie et l’Afrique du Sud.

 

  1. Les acteurs de la filière

L’activité d’extraction du minerai calédonien regroupe une quinzaine de sociétés locales qui exploitent les gisements attachés à des titres miniers (concessions minières, permis d’exploitation et permis de recherche). Parmi les mineurs, certaines sociétés exploitent en propre leurs titres miniers : les « petits mineurs », appelés ainsi en raison de leur spécialisation dans l’extraction du nickel sans le traiter. Ils sont au nombre de trois en Nouvelle-Calédonie : la Société des Mines de Tontouta (SMT) du Groupe Ballande et ses filiales, la Société Minière Georges Montagnat (SMGM), et le Groupe Maï Kouaoua Mines (MKM). D’autres mineurs travaillent en sous-traitance pour le compte des propriétaires miniers (les « tâcherons »). Enfin, en dehors de cette catégorisation, la Nickel Mining Company (NMC), détenue à 51 % par la Société minière du Sud Pacifique (SMSP2) et à 49 % par le coréen POSCO, exploite le massif minier du Koniambo en province Nord.

La mine est une activité qui mobilise, outre les mineurs, de nombreux autres acteurs, pour la préparation des sites (terrassement), le « roulage » (transport du minerai au port d’embarquement), le « chalandage » et la réhabilitation des sites.

La filière est structurée autour des 3 grandes usines métallurgiques de transformation :

– l’usine de Doniambo de la Société Le Nickel (SLN), plus que centenaire, était la seule usine de transformation du minerai en nickel métal du territoire jusqu’en 2010. Son capital est détenu à hauteur de 56 % par Eramet, 34 % par la STCPI et 10 % par Nisshin Steel (producteur d’acier inoxydable au Japon). L’usine a connu de graves difficultés : le prix de revient de sa production s’établissait à 6 dollars la livre pour un cours tombé à 3,70 dollars sur le marché des métaux de Londres. La SLN et ses salariés ont réalisé des efforts de productivité et de compétitivité considérables, avec le concours de l’État, qui a prêté 24 milliards de francs Pacifique à l’entreprise – soit 200 millions d’euros – et accordé sa garantie pour la construction d’une nouvelle centrale électrique. La SLN s’inscrit désormais, elle aussi, dans une dynamique positive : à la fin de l’année 2016, le coût de production avait été ramené à 5,20 dollars la livre, l’objectif étant d’atteindre 4,50 dollars à la fin de l’année 2018, c’est-à-dire un prix compétitif au regard du niveau actuel des cours mondiaux.

l’usine du Sud hydro métallurgique de Vale NC (dans le Grand Sud est détenue majoritairement par le groupe brésilien Vale (95 %2), le reste étant détenu par la SPMS. Le procédé mis en œuvre permet d’extraire du nickel et du cobalt à partir des latérites du plateau de Goro. L’usine a connu de graves problèmes techniques. Elle utilise un procédé pionnier, l’hydrométallurgie, qui lui permet d’exploiter non pas de la garniérite, mais de la latérite. Le montant total de l’investissement a, là aussi, excédé les prévisions : il avoisine aujourd’hui les 9 milliards de dollars contre 1,678 milliard initialement. Les problèmes techniques sont surmontés. Mais il a fallu un investissement supplémentaire de 500 millions de dollars pour le stockage à sec des résidus de l’usine. Là encore, l’État a joué un rôle crucial pour accompagner l’entreprise : il a consenti un prêt de 24 milliards de francs Pacifique – 200 millions d’euros à nouveau – et une garantie de financement votés en collectif budgétaire de fin 2016.

l’usine du Nord de Koniambo Nickel SAS. Son capital est détenu à 51 % par la SMSP et à 49 % par Glencore (suisse). Le ferronickel produit est entièrement exporté et racheté par Glencore. L’usine est entrée en production en 2013. Sa montée en puissance a été retardée par le grave incident survenu fin décembre 2014, qui a révélé après expertise un défaut de conception des deux fours. L’actionnaire majoritaire, Glencore, a décidé de le détruire et de reconstruire un nouvel équipement, ce qui représente un investissement supplémentaire d’un milliard de dollars. Le coût global de l’usine atteint désormais environ 9 milliards de dollars.

Enfin, une partie du minerai calédonien est par ailleurs destiné à l’usine métallurgique SNNC (Société du Nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée) en Corée du Sud. Cette usine, détenue à 51 % par la SMSP et à 49 % par le coréen POSCO, produit depuis octobre 2008 du ferronickel à partir de minerai calédonien à faible teneur. L’achèvement en 2015 d’une deuxième ligne de production a porté la capacité de traitement de l’usine de 30 000 à 54 000 tonnes de nickel métal contenu par an. Ainsi, bien que principalement approvisionnée par la NMC, d’autres opérateurs calédoniens sont désormais sollicités.

Les trois usines de Nouvelle-Calédonie ont vocation à produire 180 000 tonnes de nickel par an, c’est-à-dire près de 15 % de la production mondiale. Le secteur du nickel représente environ 15 % de l’emploi dont la moitié en emplois directs (extraction, métallurgie) et l’autre moitié dans la sous-traitance et les commandes, la construction, le transport ou les services de commerce.

Mais les difficultés techniques et les problèmes de compétitivité ont entrainé des conséquences en cascade sur toute la filière. Certains sous-traitants ont fermé ou réduit considérablement leurs effectifs. Après une période « dorée » entre 2002 et 2012 avec un nombre d’emplois qui est passé de 50 000 à 90 000, la situation s’est clairement dégradée.

  • Quels enjeux à court et moyen terme ?

Les perspectives de la filière pour les années à venir sont incertaines : l’offre devrait rester durablement excédentaire suite à la poursuite de la montée en puissance des nouvelles infrastructures métallurgiques combinée au ralentissement de la croissance asiatique, ce qui plaide pour un maintien à faible niveau des cours, pour une durée sur laquelle les avis des différents experts ne s’accordent pas.

La persistance de cours déprimés se traduit par la dégradation des comptes d’exploitation des opérateurs du secteur, le niveau des cours actuels étant notoirement insuffisant pour assurer la rentabilité de nombreux producteurs mondiaux de nickel primaire.

  • Au-delà, avec la question institutionnelle en creux, l’enjeu est bien celui de l’émergence, au sein des forces politiques de la Calédonie, d’un consensus autour d’une stratégie Nickel de long terme. Il existe aujourd’hui des positions très différentes au sein des différents partis en matière de stratégie à adopter s’agissant de l’exportation de Nickel : la doctrine de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) et de Palika prône que l’extraction minière bénéficie soit à la transformation locale à travers nos trois usines, soit à la transformation d’usines dont le capital est détenu majoritairement par des intérêts calédoniens à l’extérieur, ce qui est le cas en Corée et pourrait le devenir, selon eux, en Chine et au Japon. La position de l’Union calédonienne (UC) semble évoluer : elle était pour la fin des exportations, sauf vis-à-vis des usines off-shore appartenant à la Nouvelle-Calédonie, mais il y a eu au sein du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) une évolution lors du conflit des rouleurs en 2015.

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