Focus sur la Nouvelle-Calédonie (juin 2017)

Focus sur la Nouvelle-Calédonie (juin 2017)

Note de synthèse  : le cadre politique et institutionnel

Pour mémoire, l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 (qui fait suite aux accords de Matignon) reconnaît les « ombres » et « lumières » de la colonisation et l’existence d’une « double légitimité » des Kanak et des autres communautés ayant participé à l’histoire du territoire depuis le XIXe siècle.

Le nouveau statut inscrit dans la Constitution prévoit une autonomie forte et de larges transferts de compétences, seules les prérogatives régaliennes demeurant de la responsabilité de l’État. Le Congrès de la Nouvelle Calédonie devient une assemblée législative dans les domaines concernés par les transferts de compétences. Un gouvernement local, composé à la proportionnelle des groupes au Congrès, assure les fonctions exécutives. Plaidant pour un destin commun, l’Accord institue une citoyenneté calédonienne.

L’Accord de Nouméa, selon ses propres termes, « définit pour vingt années l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation ».

Son article 5 fixe la procédure applicable à l’issue de ce délai :

« Au cours du quatrième mandat (de cinq ans) du Congrès (mai 2019), une consultation électorale sera organisée. La date de cette consultation sera déterminée par le Congrès, au cours de ce mandat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Si le Congrès n’a pas fixé cette date avant la fin de l’avant-dernière année de ce quatrième mandat, la consultation sera organisée, à une date fixée par l’État, dans la dernière année du mandat.

La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité.

Si la réponse des électeurs à ces propositions est négative, le tiers des membres du Congrès pourra provoquer l’organisation d’une nouvelle consultation qui interviendra dans la deuxième année suivant la première consultation.

Si la réponse est à nouveau négative, une nouvelle consultation pourra être organisée selon la même procédure et dans les mêmes délais.

Si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée. »

Le moment de la sortie des accords de Matignon est proche ; la question de la pleine souveraineté occupe tous les esprits. Aujourd’hui, de nouveau, le dialogue semble plus difficile entre les forces politiques, les incompréhensions se multiplient et certains sont tentés par des positions radicales dont on connaît, depuis les événements des années 1980, les conséquences désastreuses.

Les enjeux sont multiples :

  • La question du corps électoral est épineuse. Acquis juridique propre à la Nouvelle‐Calédonie, la citoyenneté néocalédonienne vient bouleverser les principes d’unité et d’indivisibilité de la République. Seulement, l’histoire tumultueuse de la Nouvelle‐Calédonie a poussé les responsables des Accords de paix à créer, ex nihilo, une nouvelle citoyenneté, et par extension une nouvelle nationalité, propre à une certaine catégorie de néocalédonien. Au‐delà de la création de cette citoyenneté, le corps électoral a, en plus, été gelé. Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt Sarran puis la CEDH en 2007, ont reconnu la régularité du gel du corps électoral puisqu’il s’agit d’une mesure transitoire s’inscrivant dans une singularité historique. Toutefois, s’inscrivant dans une dynamique transitoire, le gel du corps électoral ne bénéficiera plus d’aucune légitimité juridique une fois les Accords de Nouméa caduques.

Concrètement concernant les élections nationales (municipales, législatives, présidentielles) le vote est accordé, comme sur tout le territoire français, aux personnes inscrites sur la liste électorale « générale ». Par contre, pour les élections provinciales (d’où sont issus les membres du Congrès), le droit de vote est limité aux personnes – quelle que soit leur origine – inscrites sur une liste électorale spéciale. Les modalités d’application de cette disposition ont été délicates à formuler. Il a fallu attendre la loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 pour faire prévaloir la notion de « gel » de ce corps électoral à la date de l’approbation de l’Accord de Nouméa par la population de la Nouvelle-Calédonie, soit le 8 novembre 1998. Enfin, pour la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, c’est une troisième liste électorale qui sera utilisée. La définition de cette liste est plus large que pour les élections provinciales mais plus restreinte que la liste générale. Les partenaires locaux se sont mis d’accord pour favoriser l’inscription d’office du plus grand nombre possible d’électeurs, compte tenu des contraintes constitutionnelles.

  • Le libellé de la question qui sera posée aux citoyens de la Nouvelle Calédonie. À droit constant celle-ci est contrainte par les termes de l’Accord de Nouméa, qui fait expressément référence au transfert des compétences régaliennes, à l’accès à un statut international de pleine responsabilité et à l’organisation de la citoyenneté en nationalité, et précise que : « Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ». Les termes choisis devront donc être suffisamment précis, ce qui rend la question « clivante par nature ». L’enjeu surtout est celui de la pédagogie afin d’expliciter à la population les conséquences concrètes de tel ou tel choix.

 

  • Les scénarii possibles post-consultation : le rapport remis en 2013 au Premier ministre par Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien évoquait quatre scénarios : l’accès à la pleine souveraineté, la pleine souveraineté avec partenariat, l’autonomie étendue et le maintien du régime actuel

 

L’enjeu principal finalement est d’éviter que la consultation ne se transforme en un « référendum couperet » dont le résultat humilierait le camp des vaincus, quel qu’il soit.

Par ailleurs, au plan politique interne, la situation a beaucoup évolué de celle d’il y a 20 ans. A l’époque, le clivage politique apparaissait relativement simple avec deux grands blocs relativement homogènes : les indépendantistes et les non-indépendantistes.

Aujourd’hui à l’issue des élections provinciales de mai 2014, c’est l’éclatement. Désormais trois principaux groupes politiques au sein du bloc non indépendantiste – Calédonie ensemble (16 élus au congrès) ; les Républicains (10élus) ; l’Union pour la Calédonie dans la France (UCF) (3 élus dont G. Yanno). Ces deux derniers fédérant eux-mêmes plusieurs formations.

Et deux principaux groupes au sein du bloc indépendantiste. Le FLNKS-UC (15 élus) mais regroupés en 4 sous-groupes…et l’UNI (9 élus) principalement composé du PALIKA.

Quant au gouvernement constitué après l’élection du Congrès, président par Philippe Germain (Calédonie ensemble) il comprend six non-indépendantistes et cinq indépendantistes sur treize membres. Aucune majorité évidente ne se dégage donc ni de la composition politique du Congrès ni de celle du Gouvernement.

Nous sommes donc passés d’un schéma bipolaire à un schéma beaucoup plus complexe, avec 5 partis principaux. Chacun de ces cinq partis est représenté au Gouvernement et détient une clé de blocage : du coup, l’institution est donc susceptible de se bloquer à tout instant.

En outre, au sein des différents blocs, des divisions et des désaccords existent sur le positionnement à adopter sur l’avenir institutionnel.

Les conséquences de cet émiettement est qu’il est plus difficile de trouver un accord sur les grands sujets, notamment sur l’avenir institutionnel. Au contraire, plus l’échéance approche, plus les positions ne se tendent. Le système institutionnel actuel semble avoir atteint ses limites.

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