«Nous devons pérenniser la Lodeom», I.Patel ( Clicanoo 19.09.2016)

«Nous devons pérenniser la Lodeom», I.Patel ( Clicanoo 19.09.2016)

CHAMBRE DE COMMERCE. Ibrahim Patel est de nouveau candidat pour la présidence de la CCIR. Il présente aujourd’hui sa liste « Trajectoire TPE.PME » qui rassemble la Fedaction, la CGPME et la Capeb.

Quel bilan faites-vous de votre premier mandat ?

Quand je suis arrivé à la chambre (Ibrahim Patel a succédé à Eric Magamootoo en 2010, ndlr), nous avions trois priorités. D’abord, la proximité. La CCIR était réservée à une certaine élite et les petites entreprises n’osaient pas pousser la porte. Nous avons travaillé sur l’efficacité de nos outils. Nous avons aussi remis de l’ordre dans les abus qui existaient au sein de la chambre. Nous avons ouvert deux Maisons de l’entreprise en 2011 : les accueils y sont passés de 10 000 à 35 000 personnes et 6000 porteurs de projet ont été accompagnés l’an dernier. Cela prouve qu’il y avait une vraie attente. Sur le volet formation, nous sommes passés à 12 000 personnes formées chaque année, environ 10 000 adultes et 1 800 jeunes. Trois écoles de formation sont en projet. Une école supérieure de l’informatique et du numérique va ouvrir en octobre à Saint-André. En 2017, l’école supérieure de management s’installera dans le Nord et le Sud. Enfin, une école de management de l’hôtellerie et de la restauration, en partenariat avec l’institut Paul Bocuse, ouvrira ses portes à Saint-Pierre en septembre 2018. Cela permettra de compléter la formation du Centhor.

En 6 ans, la CCIR a perdu les concessions portuaire et aéroportuaire. Quelles ont été les conséquences financières pour la chambre ?

La perte des concessions portuaire en janvier 2013 et aéroportuaires en juin 2011 a provoqué des conséquences graves pour nos finances. À cela s’est ajoutée la ponction de l’État (dans le cadre du plan d’économies voulu par le gouvernement en 2014, ndlr) et le rabot de 36% de la taxe chambre de commerce payée par les entreprises. Au total, nous perdons 3,6 millions d’euros de budget jusqu’en 2017. La CCIR vivait dans son confort avant 2010. Pourtant, hors concessions, la chambre avait une trésorerie déficitaire de 1,1 million d’euros et un fonds de roulement de 3 millions d’euros. Nous avons pu tenir malgré la ponction de l’État parce que j’ai remis de l’ordre dans les abus. Je rappelle que sur la ZIC n°1 du Port, de nombreux grands patrons qui louaient des terrains à la chambre ne payaient pas leur loyer depuis des années. Certains nous devaient jusqu’à 2 millions d’euros ! Nous avons pu récupérer cet argent : 95% des problèmes ont été réglés. D’un loyer total de 730 000 euros, nous sommes passés à 1,6 million d’euros sur cette zone. Aujourd’hui, hors concessions, nous avons une trésorerie positive de plus de 9 millions d’euros et un fonds de roulement d’environ 10 millions d’euros.

Cet équilibre budgétaire reste fragile. Une réduction de la masse salariale est-elle possible dans les prochains mois ?

Quand je suis arrivé à la tête de la chambre, je me suis engagé à ne pas faire de plan social durant ce premier mandat (la CCIR emploie 380 salariés temps plein et 300 vacataires, ndlr). Pour l’instant, je n’ai pas encore réfléchi à la possibilité d’un plan social durant un prochain mandat, donc je ne veux m’engager sur rien. Mais il faut être réaliste, il faudra peut-être serrer la vis à plusieurs niveaux pour pérenniser l’équilibre financier. Aujourd’hui, nous avons une trésorerie capable de tenir, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faudra pas faire des efforts pour améliorer la situation. Cela dit, il y a plusieurs leviers d’économie possibles.

Quelle est votre stratégie pour gagner de nouvelles recettes ?

Nous avons un projet immobilier important qui arrive à terme à l’entrée de la ville de Saint-Pierre sur un terrain de 20 000m2 : des logements, des bureaux et des commerces vont y être construits. Des franchises devraient s’y installer. Les loyers rapporteront des recettes très conséquentes à la chambre (entre 8 et 9 millions d’euros selon une estimation de 2015, ndlr). La SPL devrait lancer un appel à projet d’ici la fin de l’année. Ce projet devrait donner beaucoup de latitude à la chambre dans son fonctionnement. Il pourrait aussi éviter tout plan social…

Comment se portent le commerce et l’industrie à la Réunion ?

La situation s’améliore pour le commerce à la Réunion, mais ce n’est pas le cas pour l’industrie. Lors de la pesée économique, nous avons constaté que l’industrie avait perdu beaucoup de chiffre d’affaires ces dernières années. Ce qui explique que le nombre d’élus dans ce collège passe de 10 à 8 lors de ces élections. Les difficultés de l’industrie s’expliquent parce que nous subissons une concurrence forte des autres pays de la zone sur le coût du travail et celui des matières premières.

Vous avez milité l’an dernier pour que les contrats d’avenir puissent s’appliquer aux petits commerces. Combien d’emplois cela a-t-il créé ?

C’est un bilan négatif, à peine une cinquantaine de contrats ont été signés. J’avais alerté le préfet à plusieurs reprises : il y a eu trop de restrictions à l’application des contrats d’avenir aux petits commerces. Ces emplois aidés étaient ouverts aux personnes sans qualification alors que j’avais demandé d’ouvrir à un niveau bac, voire bac+2. Au final, cela n’a intéressé personne car les commerçants ont besoin de personnel avec un minimum de formation. J’espère que l’État finira par modifier ces règles.

La centrale d’achat coopérative pour les petits commerces alimentaires a ouvert ses portes en juin 2014. Quel est le bilan aujourd’hui ?

Le projet Koopérativ’ a été porté par la chambre de commerce à sa création. Il a été depuis transféré à une association qui a en charge la gestion de la coopérative. La structure a pu bénéficier de 300 000 euros de subventions régionales. Il y a deux mois, la Région a ajouté 200 000 euros pour le fonctionnement de l’association. Les 110 adhérents paient aussi une cotisation de 1000 euros à l’année. Fin 2016, l’association devrait donc disposer d’un budget de 500 000 euros.

Le RSI est fortement décrié par ses ressortissants. Pourquoi ce régime ne fonctionne pas ?

C’est un régime qui ne fonctionnera jamais, je l’ai déjà dit, car il a en réalité deux têtes : le RSI et la Sécurité sociale. Une partie des cotisations est réclamée par le RSI et l’autre par la Sécurité sociale. L’État doit mettre en place des logiciels adaptés aux spécificités de l’Outre-mer. Le RSI est un organisme collecteur d’impôts. La majeure partie des dettes ne porte pas sur les cotisations maladie, mais sur les impôts et taxes (CSG, CRDS, cotisations allocations familiales, contribution à la formation professionnelle). Sur les 200 millions d’euros de dettes constatés par le RSI à la Réunion, plus de 60% relèvent de l’Urssaf, des impôts et de la retraite.

En tant que président du RSI, que proposez-vous ?

Si on veut un RSI qui fonctionne bien, redonnons à chacun la possibilité d’intervenir sur son contentieux, mais cela ne sera pas forcément à l’avantage des chefs d’entreprise. Depuis 2009, la partie contentieuse étant du ressort du RSI, nous avons choisi plutôt de privilégier les solutions à l’amiable. Le jour où le gouvernement décidera de remettre la Sécurité sociale et le RSI dans leur compétence de contentieux, 25% des entreprises seront appelées à fermer à la Réunion ! Je rappelle qu’il est illégal de quitter le RSI qui reste un régime obligatoire de par la loi. En revanche, un chef d’entreprise peut choisir de modifier ses statuts et d’aller à la Sécurité sociale, mais cela lui coûte 53% plus cher… Ceux qui parlent de quitter le RSI tiennent un langage dangereux. On peut payer l’assurance-maladie ailleurs, mais on ne pourra jamais supprimer les impôts, la retraite ou la CAF.

En décembre dernier, vous avez rallié la liste de Didier Robert à la Région. Cette fonction d’élu régional est-elle compatible avec celle de président de chambre ?

Bien sûr ! Le pouvoir économique est porté par la Région. Mon arrivée à la Région aux côtés de Didier Robert a permis d’accélérer l’ouverture des trois écoles dont je vous ai parlé précédemment. Il faut différencier le poste de président et celui d’élu : je passe 80% de mon temps à la CCIR. À la Région, toute la responsabilité incombe au président de la collectivité, les élus n’ont qu’une délégation, ce n’est pas la même chose !

Quels sont les grands chantiers qui attendent la chambre ?

La Lodeom s’achève en 2017, nous devons tout faire pour la pérenniser. La Lodeom a permis de diminuer le nombre de chômeurs de 40 000 personnes grâce aux exonérations de charges patronales pour les entreprises de moins de 10 salariés. Cela représente 480 euros de moins à payer chaque mois pour un salarié, soit 1440 euros par trimestre. À la Réunion, cela concerne 12 000 entreprises et 67 000 salariés. La Lodeom ne doit donc pas être remise en cause. Nous devons aussi mettre en place l’expérimentation de la fiscalité à 15% et la zone franche globale.

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