« Je vais travailler avec la CGPME » Entretien avec Didier FAUCHARD, président du MEDEF Réunion
Saint-Denis
Économie
Lundi 11 Juillet 2016
« Je vais travailler avec la CGPME »
ENTRETIEN. La guerre de tranchée entre la CGPME et le Medef est peut-être à ranger au rayon des histoires anciennes. A la tête du Medef Réunion depuis une semaine, Didier Fauchard met les pieds dans le plat et se démarque des deux précédentes mandatures de Yann de Prince. Il veut imposer sa « touche » au sein de l’organisation patronale et souhaite travailler avec tout le monde.
Comment s’est passée cette première semaine à la tête du Medef, pas trop de pression ?
Un chef d’entreprise travaille sous pression. Il faut savoir l’appréhender, même si elle se gère différemment.
Vous avez rencontré la ministre des Outremer George Pau-Langevin, qu’est-ce que vous lui avez dit ?
Nous avons porté plusieurs messages, notamment la mise en place d’un CICE relevé pour les Outremer (changement de taux en 2017, Ndlr). Il faut tenir compte du déficit d’attractivité et de compétitivité de nos entreprises sur le plan régional, sur le marché national et européen. Nous avons abordé les dossiers de la défiscalisation industrielle dont certains sont toujours bloqués à Bercy, alors qu’il n’y a aucune raison. On a un BAGR (Bureau des agréments et rescrits de la DGFIP, Ndlr) qui va au-delà des lois, avec son interprétation personnalisée. Nous voulons travailler avec l’Etat, en complet partenaire.
Quels vont être les gros chantiers réunionnais du Medef ?
Il y a déjà les ateliers de travail sur le SRDEII (lire notre édition de mardi dernier). Le délai est contraint et ce schéma doit être acté avant le 31 décembre 2016. Nous allons participer de manière active, car il va conditionner le développement économique de l’île dans les prochaines anées. Nous allons porter le projet « Formidable Réunion ». C’est le cœur de l’action du Medef. Nous avons des atouts fantastiques avec des secteurs à développer et à consolider. Je pense aux chantiers en direction de la jeunesse. Nous voulons l’insérer dans l’économie. Autre chantier, celui de la législation des entreprises. Est-ce que l’on peut lâcher les freins ? Un chef d’entreprise passe le plus clair de son temps à contempler et analyser la législation. Ce sont des choses qui ligotent et empêchent d’avancer. Imaginez monter à vélo et être obligé de regarder tous les matins la notice d’emploi. Enfin, il faudra s’attaquer à la prochaine version de la Lodeom. On ne peut imaginer qu’un nouveau gouvernement tire un trait dessus. A l’aube des échéances électorales, cela doit passer par des spécificités ultramarines. Il y a besoin de nouer un pacte de responsabilité décliné pour la Réunion pour se positionner sur les 10 prochaines années.
Et en interne à l’organisation ?
En interne, nous allons recruter une personne pour travailler en appui avec les syndicats et sur l’animation des mandataires. Nous devons faire en sorte de développer les liens entre nos mandataires et le Medef, en renforçant ce flux entrant et sortant. Dans le cadre de la digitalisation, nous allons développer une application smartphone Medef à la Réunion. Mais également, la possibilité pour un adhérent d’accéder à un extranet.
Une première polémique a éclaté après l’élection. Votre adversaire Bruno Millot a vertement remis en cause son déroulement, parlant de manque de démocratie. Vous répondez quoi à ces accusations ?
Quand je regarde en arrière, l’assemblée générale s’est déroulée avec 80% de participation. Elle donne une idée de la vitalité de notre mouvement. Sur ces 80%, j’ai obtenu 60% des voix. Les statuts du Medef n’ont pas été touchés depuis 10 ans, soit au moins quatre élection. Je suis légitime aujourd’hui avec une élection conforme aux statuts. Un commissaire aux comptes a même validé l’élection. Il faut le rappeler, mais nous sommes une des rares organisations où le président tire sa légitimité du vote direct de ses adhérents.
Vous avez 112 voix d’avance sur les adhérents. Cela a été plus équilibré du côté des syndicats professionnels.
C’est une situation qui reste classique dans une élection du Medef. Il n’y a rien de nouveau à l’horizon.
Bruno Millot a été critique avec le Medef, vous allez discuter avec lui ?
Le premier point de notre programme, c’est additionner les forces. Bien entendu que nous travaillerons avec tout le monde et que je travaillerais avec Bruno Millot.
Vous dites vouloir travailler avec tout le monde, mais votre premier discours a été mal perçu par l’autre organisation patronale qu’est la CGPME. Vous allez travailler avec elle ?
Je répète ce que j’ai dit lors de mon discours : « le Medef c’est 20 syndicats et 450 adhérents directs qui recouvrent tous les secteurs d’activité. Il regroupe des TPE, PME et grandes entreprises. Nous sommes la seule organisation patronale à avoir une vision à 360° de l’économie réunionnaise. »
Vous répétez encore la « seule » organisation ?
C’est une force du Medef d’avoir cette vision. Mais cela a été traduit avec des mots dans lesquels je ne me suis pas du tout reconnu. Je vais travailler avec la CGPME. Plus nous promouvons l’esprit d’entreprise, plus nous som-mes gagnant.
Vous avez déjà rencontré le président de la CGPME Dominique Vienne ?
Bientôt. Je ne suis en poste que depuis une semaine.
Peut-on s’attendre à une liste commune Medef-CGPME pour les élections à la Chambre de commerce ?
Aujourd’hui des discussions sont en cours sur le sujet. La question sera abordée avec le nouveau bureau lors du prochain conseil d’administration du Medef, à la fin du mois.
C’est ça la « touche » Didier Fauchard, celle de la discussion avec tout le monde ?
Additionner les forces ! C’est ma méthode. Tout le monde a des idées, il faut en parler et en discuter. Ce territoire a besoin de l’ensemble des forces car tout le monde a de la valeur.
Propos recuillis par Julien Delaruejdelarue@jir.fr
Un parcours atypique
« Je n’ai pas de patrimoine personnel, c’est un choix de vie. » Pour un nouveau président du Medef Réunion, la déclaration a de quoi surprendre. Mais le successeur de Yann De Prince (le désormais ex-président lui avait publiquement apporté son soutien voilà plusieurs semaines) dénote aussi dans son parcours de vie qui a été marqué par plusieurs épreuves difficiles. Né en 1962 à Fort Dauphin à Madagascar de parents réunionnais, Didier Fauchard débarque à la Réunion en 1970 quand son père et sa mère s’installent dans le sud de l’île avec ses 19 frères et sœurs, dont 3 adoptés. Il passe par l’école catholique puis l’école préparatoire supérieure militaire de la Réunion (EPSMR) au Tampon, avant de partir dans la région du Mans pour intégrer une classe de maths sup’. Au décès de son père, endossant le rôle de chef de famille, il quitte ses études pour le monde du travail et revient à la Réunion. En 1980, il est embauché par un bureau d’études à Saint-Pierre et devient programmateur dans la résistance des matériaux. L’idée germe alors de distribuer aux entreprises locales des logiciels de gestion comptable. En 1992, Didier Fauchard fonde seul son entreprise Format. Au-delà de la simple distribution de logiciels, il décide de développer d’autres activités, notamment la maintenance. « Il y avait très peu de concurrence car tout le monde se contentait de vendre les logiciels ce qui était très rentable. Personne ne voulait faire d’installation ou de maintenance », se souvient le chef d’entreprise. Aujourd’hui, Format compte pas moins de 800 clients locaux dans son portefeuille. L’entreprise emploie 24 salariés et affiche 2,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015. « J’espère passer à 40 salariés d’ici 30 mois. Nous avons un vrai potentiel à l’export dans le développement et la maintenance. Nous comptons une cinquantaine de clients à l’export pour l’instant, mais le marché africain est très prometteur. »