PRESIDENTIELLES 23 AVRIL – 7 MAI 2017 – PREMIERS POSITIONNEMENTS
Actualité immédiate
Lundi de Pentecôte, 16 mai au Mont Beuvray, Arnaud Montebourg met en place un processus de rassemblement des gauches par une primaire pour éviter l’élimination de François Hollande dès le premier tour de l’élection présidentielle.
Il se positionne sur le créneau de la réconciliation, de la réunification des deux France.
« Réconcilier les deux France » : un positionnement et un slogan qui ne sont pas nouveaux mais devenus partagés.
1- Ce n’est pas nouveau
Laurent Fabius est l’inventeur de la formule érigée en slogan dès le 10 mars 2004 ! Dans une conférence donnée à l’invitation des étudiants de l’Ecole Normale supérieure, il doit plancher sur le thème : « Le changement par la politique » après avoir rencontré longuement la direction de l’école, les directeurs de départements pour s’entretenir des problèmes de la recherche dans ce lieu symbolique de l’esprit français.
A distance du sujet initial, en pleine séquence électorale des cantonales et des régionales, à quelques semaines des élections européennes et quelques mois du referendum interne au parti socialiste sur le traité européen, il lit studieusement pendant une heure, sans improvisation, un texte de positionnement électoral à 3 ans de l’élection présidentielle.
C’est un discours – programme de facture classique, versions actualisées de contributions antérieures dans la ligne réformiste du Congrès de Dijon de 2003.
Peu d’innovations sur le fond mais une formule en forme de slogan : « Réconcilier les deux France ». Seuls les socialistes peuvent y parvenir selon lui. Terminée, « La France d’en haut et la France d’en bas » de Jean – Pierre Raffarin, dans une interprétation péjorative sollicitée. Une référence toutefois implicite à : « l’alliance des classes moyennes et des classes populaires », version Jospin – Hollande des années 1999 – 2000, pour élargir et sécuriser la base électorale socialiste
L’innovation consistait dans la méthode : solliciter les « partenaires sociaux » et non seulement les syndicats, pour consultation avant les scrutins présidentiel et législatif, pour ne pas perdre de temps et réaliser les réformes dans l’année qui suit.
2- Un positionnement partagé récemment
- Emmanuel Macron veut réunifier la France intégrée à la mondialisation et la France de l’intérieur. (Discours du 8 mai à Orléans)
- Marine Le Pen et le Front national se sont positionnés sur le thème de l’apaisement pour capter par tactique un thème qui n’est pas en phase avec le discours habituel et les réflexes de cette formation politique !
- A droite, dans une certaine mesure, Alain Juppé est perçu sur ce créneau bien qu’il ne s’exprime pas dans ces termes. La tradition gaulliste a toujours été historiquement sur le terrain du rassemblement : RPF (Rassemblement du Peuple français) créé par le Général de Gaulle, RPR créé en 1976 (Rassemblement pour la République). Ce courant politique n’a cependant pas vraiment actualisé son positionnement dans le contexte de la mondialisation. « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment » ! (Cardinal de Retz)
Commentaires
1– Ces positionnements relèvent de choix stratégiques de campagne classiques pour une élection présidentielle: le choix du clivage ou le choix du rassemblement. Les deux options stratégiques ont eu leurs succès et leurs échecs.
- Choix du clivage : François Mitterrand en 1974 et 1981. Jacques Chirac en 2002 en se démarquant systématiquement de Lionel Jospin. Nicolas Sarkozy en 2007 en rupture avec son prédécesseur et le politiquement correct issu de mai 68.
- Choix du dépassement des clivages et du rassemblement : François Mitterrand en 1988 et « La France unie ». Jacques Chirac en 1995 et le thème de la « fracture sociale ».
2– Le choix de la « réconciliation des deux France » trouve très vite ses limites
- D’abord, la France est un pays à fractures multiples qui ne peut se résumer à une formule même si celle-ci correspond à une certaine réalité. Dès les années 80, le CNPF notamment, distinguait la France exposée et la France protégée. France exposée à la concurrence mondiale et France protégée par ses statuts. La distinction n’est pas nouvelle mais les écarts sont accentués avec l’irruption de la mondialisation.
- Ensuite, le clivage politique ne se confond pas avec un clivage à dominante économique et sociologique. Le politique, voire l’idéologique, surplombent l’ensemble.
Arnaud Montebourg et surtout ses soutiens de la gauche du parti socialiste sont dans un schéma inspiré de la lutte de classes, même si ce terme peut paraître désuet. Ce schéma est encore davantage présent chez les gauches de la gauche qu’il appelle à une primaire.
Emmanuel Macron n’évacue pas le clivage politique en le confondant avec son positionnement de réconciliation des deux France. Il tente de le dépasser en se positionnant : ni gauche, ni droite que revendique depuis longtemps le Centre représenté par François Bayrou. Son positionnement trouve ainsi très vite ses limites au plan politique et électoral.
Il faut bien sûr intégrer au clivage politique, la dimension européenne et la fracture intervenue lors du referendum européen de 2005 entre les partisans du « oui » et ceux du « non ». Pour mémoire, la campagne référendaire interne au parti socialiste, fin 2004, a été très violente. Le « oui », défendu par François Hollande l’a emporté mais les partisans du « non » dont Laurent Fabius, n’ont pas accepté le résultat pour le referendum en vraie grandeur de 2005.
- Enfin, la limite de l’exercice de réconciliation tient à son objectif actuel et à court terme: contrer la montée du Front national. Limite parce que l’électorat de cette formation politique n’est pas sensible à la thématique du rassemblement. Il se positionne nettement pour « les frontières » et contre la mondialisation. Son choix est fait. Leaders du Front national et électorat savent aussi ne pas pouvoir compter sur des alliances pourtant nécessaires dans un scrutin majoritaire à deux tours.
Conclusion
Un positionnement stratégique de réconciliation est un choix tactique dont il reste à démontrer la pertinence. En 2007, en choisissant le clivage, Nicolas Sarkozy avait capté dès le premier tour, une partie de l’électorat du Front national. Il est à nouveau, semble-t’il, dans cette logique gagnante pour la conquête du pouvoir mais contreproductive pour le garder.
L’élection présidentielle est une confrontation de candidats mais aussi de stratégies. Tout reste ouvert à ce jour.
JEAN PIERRE HELBERT
17 mai 2016