Réaction de la FEDOM aux propositions LUREL pour l’égalité réelle

Réaction de la FEDOM aux propositions LUREL pour l’égalité réelle

Réaction de le FEDOM sur le rapport au Premier Ministre de Monsieur Victorin LUREL, député et ancien ministre de l’Outre-Mer relatif à l’Egalité Réelle Outre-Mer

Qu’il nous soit d’abord permis de regretter que ce rapport s’intitule « Egalité réelle Outre-Mer » et non « Egalité Economique Réelle » comme l’avait proposé le CREFOM, titre qui correspondait mieux à cette évidence que seul le développement économique peut permettre le rattrapage.

Regrettons aussi la remise tardive du rapport, hors du délai prescrit par le Premier Ministre dans sa lettre du 17 juin 2015 : « avant la fin d’octobre 2015 ». Ce retard laisse peu de temps pour la concertation avec les milieux économiques et l’élaboration du projet de loi dont nous craignons dès lors qu’il ne se résume à peu de choses : l’affirmation d’un principe, le détail des mesures étant renvoyé à plus tard.

Sur le fond ce rapport appelle bien évidemment de nombreuses observations.

A / LES PROPOSITIONS INTÉRESSANTES

 

  1. La généralisation des zones franches

Le rapport propose de repenser le dispositif pour le rendre plus efficace, notamment en matière d’emploi. À l’instar de ce qui a été fait pour la Corse en 1997, il propose donc un régime fiscal et social de zone franche globale. Le rapporteur explique qu’il faut impérativement compenser le handicap de compétitivité des entreprise, non plus en réduisant leur charge fiscale (c’est au demeurant contestable) mais en réduisant le coût du travail.

Ces zones franches seraient instituées pour une période de dix ans renouvelables, avec des taux majorés pour les zones déshéritées, les arrière-pays et les îles des archipels éloignés.

  1. Décréter le zéro charges sur l’emploi

En complément de ce qui précède, le rapport considère que le gisement d’emploi dans les PME et TPE est considérable et que l’on peut agir par ce qu’il appelle la « défiscalisation sociale ».

  1. Raccourcir les délais de paiement

Le rapport préconise qu’une garantie universelle de paiement soit proposée en exigeant d’une banque publique (CDC,Bpi ou AFD) de prendre en Dailly à taux zéro les factures dues depuis plus de deux mois.

Le rapport préconise également de relancer le fonds de garantie de la Bpi (anciennement géré par Oséo). C’est une bonne idée comme celle d’une présence directe de Bpi France Outre-mer, au delà donc des deux directeurs interrégionaux en place.

Nous saluons enfin la préconisation d’un remboursement immédiat par l’Etat des créances fiscales (Crédits d’impôts, de TVA) dues aux entreprises.

  1. La mise en place d’un Small Business Act

Le rapport préconise qu’un tiers des commandes publiques soit réservé aux TPE et aux PME (tout en veillant à ne pas surenchérir les coûts).

  1. L’élargissement du FIP DOM à l’ensemble des contribuables

Demande récurrente de la FEDOM, il s’agit d’un problème d’équité, le FIP Corse pouvant déjà faire appel à la collecte nationale ce qui était refusé aux DOM.

  1. La volonté de relancer le secteur du BTP

Le rapport propose de créer des programmes d’aides pour les primo-accédant à la propriété et surtout de concevoir un programme de 150 000 logements sur dix ans par augmentation de la LBU. (En revanche nous restons plus circonspects sur l’obligation faite aux compagnies d’assurance d’investir 5% de leur collecte annuelle dans le logement Outre-mer. C’est irréaliste).

  1. Le traitement des statistiques

Le rapport demande un égal traitement statistique des outre-mer par rapport à l’Hexagone, afin de disposer des données nécessaires à l’appréciation de leur convergence réelle. De même il demande l’harmonisation des méthodologies des enquêtes réalisées par les instituts statistiques relevant de compétences territoriales (ISPF pour la Polynésie française, ISEE pour la Nouvelle-Calédonie).

C’est une demande récurrente, tant l’absence de données chiffrées en temps et en heure pénalise l’évaluation des politiques publiques Outre-mer.

  1. La révision du chômage partiel

Réviser le système du chômage partiel pour éviter à l’entreprise en difficulté de faire l’avance de la trésorerie, mieux doter en effectifs Pôle emploi et mobiliser encore plus ses services et enfin confier aux collectivités régionales et territoriales le suivi des chômeurs sont des mesures qui vont dans le bon sens.

 

B/ LES PROPOSITIONS INACCEPTABLES OU POTENTIELLEMENT DANGEREUSES

  1. Tout d’abord le délai de rattrapage.

25 ans, soit cinq quinquennats présidentiels ! Un tel horizon enlève toute crédibilité au projet, est démobilisateur et, d’une certaine façon reflète un manque de confiance dans nos capacités collectives.

  1. L’emploi n’est pas affiché comme première priorité.

Le PIB/hab est bien retenu comme premier indicateur mais, contrairement à ce que nous avions demandé ce n’est pas le « taux de chômage » qui est retenu comme indicateur, mais l’IDH (indicateur de développement humain). Or cet indicateur qui se compose de l’espérance de vie, de la part de la population diplômée et du revenu fiscal médian et des rapports inter déciles n’est pas un indicateur « économique » et il est de surcroit incompréhensible et imprécis.

Le « taux de chômage » est au contraire lisible pour tous, utilisé de longue date et surtout correspondrait bien à l’un des objectifs majeur du rattrapage, à savoir que l’égalité réelle devant l’emploi est la première des égalités économiques.

Enfin nous n’acceptons pas la taxation des entreprises qui « licencient trop ». D’abord parce que ce terme est bien trop flou et surtout est parfaitement contradictoire avec les objectifs de la loi El Khomri qui propose au contraire d’assouplir les règles du licenciement et de limiter les indemnités afin de favoriser l’embauche.

  1. La réalisation de l’égalité réelle par un « plan de convergence » à la demande des collectivités suscite des réserves.

La République est une et indivisible, seule son organisation est décentralisée (art. 1 de la constitution).

Il revient à chacun des échelons de cette organisation d’assurer la plénitude de sa responsabilité et à l’Etat (Présidence, Gouvernement, Parlement) d’assurer la cohérence d’ensemble par la loi et les règlements et non par convention.

Concrètement, une telle voie est une échappatoire car elle autorise un engament budgétaire limité de l’Etat au seul  « contrat de convergence ».

Au surplus, les collectivités locales sont dans une situation budgétaire qui ne leur laisse aucune marge et bénéficient de dotations budgétaires qui sont aussi « rabotées ».

Enfin, nous doutons de la pertinence de vouloir appréhender dans une même loi les collectivités de l’art.73 ; c’est-à-dire de l’identité législative (DOM) avec celles de l’art.74 c’est-à-dire d’une extrême spécificité avec des statuts très particuliers (ex. TOM).

  1. Nous sommes totalement opposés à un financement qui passe par l’alourdissement de la fiscalité

Une telle voie est facteur de hausse des prix et donc de diminution de pouvoir d’achat et de compétitivité et s’inscrit d’ailleurs en totale contradiction avec la lutte contre la vie chère que préconise l’auteur. C’est la raison pour laquelle il est curieux que le rapport préconise, entre autres, une alignement « à terme » des taux de TVA en Guyane et à Mayotte sur ceux des autres DROM de même qu’une augmentation de la TVA d’un ou deux points, augmentation qui se répercutera immédiatement sur les prix.

Le rapport suggère également une extension de l’octroi de mer aux activités de services, transformant de facto cet impôt en une nouvelle TVA. Le rapporteur évoque précisément un « taux additionnel de TVA ».

Cette idée, avancée par beaucoup d’autres économistes, peut paraître séduisante dès lors qu’elle redonne la main à l’Etat sur un impôt jusqu’alors utilisé par les collectivités locales pour équilibrer des budgets où les frais de personnels grèvent la partie fonctionnement. Les mêmes économistes estiment dès lors qu’une partie pourrait repartir sur « l’Économie » au sens large.

Cette proposition se heurte cependant à deux obstacles majeurs : (i) Il faudra impérativement assurer à la production locale le même avantage que celui dont elle bénéficie avec les taux différentiels d’octroi de mer.(ii) Comment assurer à des collectivités locales asphyxiées, une compensation dont l’Etat lui même exsangue et dans un contexte de réduction de ses dotations auxdites collectivités, n’a plus les moyens ?

Nous rappelons enfin que, partie intégrante de l’espace fiscal et social français, nous sommes déjà soumis au taux de prélèvement obligatoire le plus élevé de l’Union Européenne.

  1. Nous sommes également opposés à privilégier les investissements publics dans l’allocation de la dépense fiscale.

Nous nous battons depuis longtemps pour maintenir une Aide fiscale à l’investissement productif (défiscalisation et Crédit d’impôt) à un niveau suffisant pour soutenir l’investissement. Une telle mesure diminuerait mécaniquement d’autant les capacités d’investissement de nos entreprises ce qui est contraire à l’objectif recherché.

  1. Nous ne pouvons souscrire à la propension à une sorte de « collectivisation » de certains facteurs de production.

Cette voie nous parait budgétairement risquée pour les collectivités locales et d’une pertinence économique hasardeuse en 2016. Il n’est pas nécessaire d’argumenter plus avant sur l’échec du collectivisme partout dans le monde…

  1. La Régionalisation du SMIC

Curieuse idée de confier aux collectivités régionales et territoriales la compétence de régionaliser le SMIC…avec compensation par l’Etat de la différence éventuelle entre le niveau fixé en région et le niveau national. Dangereuse idée de surcroit car d’une part cela suppose que le « SMIC DOM » sera supérieur au SMIC Métropolitain (Et la compétitivité !!!) et d’autre part que se passera t’il si l’Etat, budgétairement exsangue ne compense plus ?

Conclusion…nécessairement provisoire

 

Que restera t’il au terme du processus parlementaire de ce catalogue, un peu à la Prévert ? En tout cas nous nous efforcerons, tout au long des discussions, de veiller à ce que le Gouvernement prenne en compte les mesures positives tout en écartant celles qui sont dangereuses car contre productives par rapport à l’objectif recherché. Nous souhaitons également que cette loi puisse être votée avec la plus large majorité possible au nom de notre devise républicaine dont l’égalité est au coeur.

Nous rappelons que nous ne demandons pas plus de dépenses publiques mais une dépense plus performante, dynamique et ciblée sur le développement économique. Cela nous parait possible par une revue générale des politiques publiques, un réappréciation de la pertinence des outils budgétaire, fiscaux et sociaux. Avec notamment une clarification de la nature de la dépense fiscale et de sa gestion.

Enfin, et c’est un peu ce qui manque dans le rapport Lurel, rien ne pourra se faire sans un choc de simplification pour libérer les énergies et passer d’une gouvernance de gestion de contrôle à une gouvernance de projet et d’espérance. Le seul fonctionnement du bureau des agréments reflétant à lui seul la nécessité et l’urgence de cette simplification.

Synthèse

  1. Les mesures potentiellement intéressantes :

Recommandation n°5 : Modifier l’article 73 de la Constitution en supprimant l’alinéa 5 qui exclut le département de La Réunion du dispositif d’habilitation ;

Recommandation n°8:

– Etablir un tableau de bord propre à chaque territoire permettant de mesurer sa convergence, composé d’un tronc commun (PIB/habitant, IDH, rapport interdécile) et d’une sélection d’indicateurs pertinents au regard de la stratégie de développement choisie. (Voir cependant observations sur l’IDH)

Recommandation n° 9 :

– Assurer un égal traitement statistique des outre-mer par rapport à l’Hexagone, afin de disposer des données nécessaires à l’appréciation de leur convergence réelle

– Inciter à l’harmonisation des méthodologies des enquêtes réalisées par les instituts statistiques relevant de compétences territoriales (ISPF pour la Polynésie française, ISEE pour la Nouvelle-Calédonie).

Recommandation n° 19 : Elaborer dans chaque territoire ultramarin un plan égalitaire de formations de masse, glissant et actualisé, tenant mieux compte des transformations structurelles des économies, de l’évolution des métiers et des besoins des marchés.

Recommandation n°22 :

– Rendre obligatoire pour le système éducatif une formation pour les décrocheurs et les sortants du système sans titre, sans diplôme, sans qualification

– Réviser le système du chômage partiel pour éviter à l’entreprise en difficulté de faire l’avance de la trésorerie

– Mieux doter en effectifs Pôle emploi et mobiliser encore plus ses services.

– Décréter le zéro charges sur l’emploi partout outre-mer.

Recommandation n° 23 :

Créer, pour dix ans renouvelables, des zones franches globales sur l’ensemble des secteurs d’activité et sur tous les territoires outre-mer avec des bonifications pour les îles des archipels et les zones déshéritées.

Recommandation n°24 :

– Raccourcir les délais de paiement trop longs imposés aux petites entreprises par les collectivités, les grands clients et les titulaires des marchés publics à leurs sous-traitants. Une garantie universelle de paiement leur serait proposée en exigeant d’une banque publique (CDC, BPI ou AFD) de prendre en Dailly (à taux zéro) les factures dues depuis plus de deux mois, le recouvrement pour les grandes banques étant plus aisé.

– Prendre des arrêtés ou circulaires qui inciteraient l’URSSAF, comme en 2013, à accepter plus facilement les délais de paiements et les moratoires en cas de difficultés.

– Mettre au point l’équivalent d’un Small business act en réservant un tiers des commandes publiques aux TPE et PME, tout en veillant à ne pas surenchérir les coûts.

Recommandation n°25 :

Elargir le fonds d’investissement de proximité DOM à l’ensemble des contribuables nationaux et relancer le fonds de garantie géré par BpiFrance.

Recommandation n°26 :

Créer un livret nouveau d’épargne défiscalisé ; Créer des programmes d’aides pour primo-accédant à la propriété

Recommandation n° 29 :

Définir, au sein de la stratégie de développement propre à chaque territoire, un modèle d’innovation adapté aux territoires à faible densité en « facteurs classiques d’innovation ».

Recommandation n°31 :

Proposer au Parlement d’adopter, d’ici la présentation des textes budgétaires pour 2017, une loi d’orientation relative à l’égalité réelle outre-mer en en faisant une priorité de la Nation et comportant un volet interne et un volet externe de réduction des inégalités.

  1. Les mesures inacceptables ou potentiellement « dangereuses » :

Recommandation n°11 :

Dans le but de réduire les inégalités internes, engager, après au moins deux plans quinquennaux de convergence, une réflexion sur une réforme du dispositif des sur-rémunérations en réaffectant les économies dégagées au financement des plans de convergence.

Recommandation n° 16 :

Etendre l’aide fiscale aux investissements aux infrastructures publiques.

Recommandation n° 17 :

–  Instituer, à terme, des péages ou un droit d’entrée pour être autorisé à aller au cœur des villes ;

– Taxer, à terme, à l’importation des véhicules, après mise à niveau des infrastructures de transport public.

Recommandation n°22 :

– Régionaliser le SMIC et le suivi des chômeurs avec un système de compensation différentielle aux salariés.

– Instituer ou réactiver outre-mer la garantie universelle de loyers pour faciliter l’hébergement et rassurer les bailleurs.

– Instituer un compte individuel pour les entreprises et taxer celles qui licencient trop.

Recommandation n° 30 :

– Taxer les cessions et les plus-values de cession.

– Donner une priorité d’acquisition aux résidents.

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