2016, Année Politique : Que faut-il en attendre ?
Une étude intéressante signée de Jean Pierre Helbert, Directeur adjoint Affaires publiques du MEDEF et ancien Délégué Général de la FEDOM.
» 2016, année politique parce que l’économie, les monnaies et les marchés financiers, au plan international comme sans doute au plan français, seront déterminés prioritairement et in fine, par des choix politiques déterminants.
Les principaux paramètres politiques les plus souvent cités
- Le risque bancaire et financier lié à des bulles spéculatives qui pourrait entraîner un défaut d’un élément systémique faute de volonté politique de réguler les transactions. (Point de vue de Georges Soros déjà évoqué par d’autres experts qui considèrent que la situation actuelle est proche de celle de 2008)
- Le cours du pétrole à son plus bas depuis 11 ans (33,9 dollars le baril de Brent au 8 janvier). Il répond à l’offre et la demande mais l’offre est directement affectée par quelques pays dont la caractéristique est que le pouvoir politique peut agir directement sur la production. (Arabie saoudite et émirats notamment. Ces pays veulent conserver à tout prix leurs parts de marché face à la production américaine de pétrole et de gaz de schiste).
- La Chine : ralentissement économique et mutation de l’économie pour un nouveau rapport entre production et consommation. Une économie et un système financier et bancaire qui affectent l’ensemble du monde et des marchés sous contrôle d’un système politique qui veut conserver la maîtrise de son pouvoir exclusif. Pas de partage du pouvoir dans un régime fondamentalement totalitaire : pas de pluralisme mais des clans, pas de séparation des pouvoirs, pas de garanties des libertés individuelles… L’économie et les entrepreneurs sont, au final, à sa merci en dépit des connivences.
- USA: élections présidentielles en novembre avec conséquences possibles sur les décisions de la FED de remonter les taux. Selon l’usage, et bien qu’elle soit indépendante, la FED ne veut pas handicaper le (la) futur(e) président(e).
- Europe – Difficultés à trouver des majorités politiques stables durables
- Grande–Bretagne. Incertitude sur le résultat du referendum européen annoncé et désormais préparé par David Cameron lors des dernières législatives. Le risque de « brexit » est régulièrement évoqué. Il relève ainsi d’une décision politique et électorale qui a permis la victoire des conservateurs sans avoir besoin de recourir à une coalition. Incertitude sur la gouvernance dès lors que le parti populaire a perdu la majorité absolue à la suite des dernières législatives fin 2015. De nouvelles élections sont envisagées en cas d’impasse pour la constitution d’une nouvelle majorité. Suite aux dernières législatives du 4 octobre, la majorité sortante de droite n’a pas obtenu la majorité des sièges au Parlement. Le Premier ministre sortant a été renversé par une coalition inédite socialiste, communiste et Bloc de gauche anti austérité. Une sorte d’Union de la gauche à la française des années 70 – 80, élargie à quelques écologistes, très loin de la politique de l’offre et de compétitivité exigée par la contrainte européenne.
- Grèce. Sous contrainte européenne, le gouvernement grec résiste aux conditions de réduction des déficits en refusant de réduire le régime des retraites.
Au total, dans la zone euro, position singulière et déterminée de M. Draghi, président de la BCE qui se montre opérationnel et fédérateur (au moins pour les marchés). Il rappelle cependant régulièrement les limites de la politique monétaire accommodante si elle ne s’accompagne pas de choix politiques forts dans chacun des Etats de la zone pour améliorer la compétitivité globale de leurs économies.
- Cas particulier de l’Allemagne : stabilité du système institutionnel de recherche et d’obtention du compromis politique.
Situation en France : année très politique
Point positif : force des institutions et du système politique pour stabiliser la majorité quelle qu’elle soit.
- C’est capital pour les socialistes car la ligne de partage politique en France ne passe pas au centre mais au parti socialiste. Les tensions actuelles n’ont rien de surprenant. Le retour au pragmatisme électoral s’est toujours opéré. Dans ce but, Jean Christophe Cambadélis lance : « l’Alliance populaire », autre version de la « Gauche plurielle » des années Jospin qui préconisait déjà : « l’alliance des classes moyennes et des classes populaires ». L’initiative Cambadélis et Dray va au –delà de cette approche politico-sociologique » pour voir plus large en l’étendant aux syndicats (déjà très présents dans la campagne Hollande de 2012) et aux associations proches.
- Les Républicains : primaires élargies selon la Charte des primaires adoptée en juin 2015. Date de dépôt des candidatures : 9 septembre. Dates des scrutins : 20 et 27 novembre.
- Front national : Marine Le Pen va faire du Chirac 1995. Moins de médiatisation mais une campagne de rencontres avec les Français. Objectif : réussir le second tour en trouvant des alliés. Les régionales ont une fois de plus démontré qu’un parti ne peut réussir le second tour sans des alliés. Le changement de nom du FN pourrait entrer dans cette stratégie.
- Euro 2016 de football. (10 juin – 10 juillet) : une séquence peut être pas anecdotique, en premier lieu pour l’exécutif. En 1998, la cote de Jacques Chirac, très atteinte suite à la dissolution ratée d’avril 1997, est remontée régulièrement après la victoire de la France à la coupe du monde. Les experts en la matière ne semblent pas très confiants pour l’équipe de France et ses vicissitudes annexes. François Hollande pourrait ne pas capitaliser sur un bon résultat sportif. En revanche, une réussite en matière de sécurité des épreuves, dans le contexte de risque d’attentats, aura peut – être un impact sur sa courbe de popularité.
- L’inversion de la courbe du chômage. Formule astucieuse puisqu’elle permettrait de faire oublier le niveau d’inflexion. Selon les experts et les mesures de politiques d’emploi et de formation déjà annoncées, elle pourrait presque mécaniquement se produire. La croissance annoncée, jusqu’à 1,8% pour l’OFCE, pourrait permettre d’éponger les sureffectifs et améliorer la situation de l’emploi « sauf erreur de politique économique » (Eric Heyer – BFM – 8 janvier 2016). L’erreur pouvant venir de décisions à contre temps de la FED par exemple.
Conclusion – 2016 : une année politique avec, notamment deux éléments d’opinion favorables pour les entreprises
- Ce qu’on n’entend plus significativement : « La faute aux patrons » pour exonérer le pouvoir politique de ses responsabilités. Ce procès était systématique dans les années 80 jusqu’à son abandon de fait quand les pouvoirs publics ont reconnu une certaine impuissance : « l’Etat ne peut pas tout faire ». (Lionel Jospin).
- Le crédit plutôt que l’autofinancement. C’était le schéma idéologique du programme commun (1972) et du programme socialiste de 1980. Le crédit étant nationalisé, c’est toute l’économie qui était potentiellement mise en tutelle. C’est fini. La restauration des marges n’est plus remise en cause. Le CICE en est une illustration.
- Ce que l’exécutif n’a pas fait : répondre positivement aux initiatives de députés socialistes, pas forcément de la gauche du PS, tel Olivier Faure, (député de Seine et Marne et porte – parole du PS) qui souhaitaient amputer le pacte de responsabilité pour financer le pacte de sécurité. Le choix politique de l’exécutif a tenu sur ce point.
Jean-Pierre HELBERT
Directeur adjoint Affaires publiques
MEDEF