Projet de loi sur la transition énergétique (mars 2015)

Projet de loi sur la transition énergétique (mars 2015)

Le Sénat vient de voter, le mardi 3 mars dernier, le projet de loi « Transition énergétique ». Celui-ci avait été adopté par l’Assemblée le 14 octobre 2014.

Certaines modifications, consensuelles, intéressent particulièrement les Outre-mer.

•         A été voté, à l’article 1er, une disposition présentée et défendue par le sénateur de Mayotte, Thani Mohamed Solihi (amendement n°337 rectifié). L’article 56 de la loi n°2009-967 du 3 août 2009 (ou « Grenelle I ») fixait comme objectif aux DOM de parvenir à une autosuffisance énergétique dès 2030 et prévoyait un objectif intermédiaire de 50% d’énergies renouvelables dans la consommation finale en 2020, à l’exception de Mayotte, auquel il attribuait un objectif de 30%. Cet amendement (n°337 rectifié) vise à aligner les mêmes objectifs (50 %) pour tous les DOM, y compris Mayotte.

•         L’article 61 a été modifié par un amendement (n°616) des sénateurs Karam, Antiste, Archimbaud, Larcher et Patient. En insérant les mots « à l’approvisionnement d’électricité à toutes les populations », il vise à garantir l’objectif de développement du réseau pour apporter l’électricité à toutes les populations, sur l’ensemble des territoires de la République, et notamment en Guyane (où seulement 40% de la population est raccordée au réseau collectif).

•         Par la suite, un amendement (n°866 rectifié bis), présenté par les mêmes parlementaires, ainsi que par MM. Cornano, Desplan Gillot, Mohamed Soilihi et Vergoz, et Mme. Claireaux, vise à intégrer, dans la programmation pluri-annuelle de l’énergie des DOM et St Pierre et Miquelon, un volet relatif à l’évaluation du potentiel de valorisation énergétique des déchets.

•         En outre, toujours au niveau de l’art. 61, les parlementaires mentionnés supra ont introduit un amendement (n°869 rectifié bis)  rajoutant l’alinéa suivant : « La biomasse fait l’objet d’un plan de développement distinct qui identifie les gisements par type de biomasse valorisable et les actions nécessaires pour  exploiter ceux pouvant faire l’objet d’une valorisation énergétique , tout en limitant les conflits d’usage » . Cet amendement vise à encourager l’usage de la biomasse qui représente un potentiel très intéressant et présente l’avantage d’être une source de production d’électricité non-intermittente.

•         Les sénateurs ont enfin rajouté un article 66 au projet de loi : « Une stratégie nationale de développement de la filière géothermie dans les départements d’outre-mer est élaborée intégrant un volet export. Cette stratégie identifie notamment les moyens nécessaires au soutien de la recherche et du développement dans les techniques d’exploration et dans le lancement de projets industriels, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour le soutien à l’export des entreprises de la filière géothermie ». Cette disposition, introduite par voie d’amendement n°859 rectifié bis par les sénateurs ultramarins susmentionnés propose de mettre en place une stratégie nationale de développement de la géothermie (notamment en Guadeloupe et à La Réunion), afin d’identifier les freins à lever et les moyens à mettre en œuvre pour soutenir la filière.

Par ailleurs, un point de vigilance doit être mentionné, en ce qui concerne l’article 50 du projet de loi. Une disposition (1°quater) a été introduite par le Sénat, plafonnant la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) à 7,7 Mds. € en 2016. Le Gouvernement partage cette nécessité de « rénover » la CSPE. Pour autant, cette nouvelle disposition pourrait soulever plusieurs difficultés, notamment la suppression du financement des tarifs sociaux et, surtout, de la péréquation tarifaire au profit des Zones non Interconnectées (ZNI). Le Gouvernement s’engage à proposer au Parlement une réforme du dispositif dans le projet de loi de finances pour 2016. Une mission d’inspection générale a été mandatée sur le sujet et les travaux de réforme ont déjà été engagés, au regard notamment des nouvelles lignes directrices de la Commission sur les aides d’État en matière d’environnement et d’énergie. En séance (19 février), la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, a évoqué ce point, répondant aux inquiétudes du Sénateur réunionnais Michel Vergoz : « J’insiste également sur le financement de la péréquation par la CSPE. C’est aujourd’hui un élément clé, dont la suppression emporterait des conséquences dramatiques sur le prix de l’électricité dans les outre-mer ».

Commentaire FEDOM : On rappellera que la péréquation des tarifs de l’électricité a été mise en place dans les DOM en 1975 (2007 à Mayotte). Il conviendra donc d’être particulièrement vigilants à l’occasion de la discussion du PLF 2016. Cette péréquation tarifaire (environ 1.7 Md. € dans les ZNI : les cinq DOM, les trois COM de l’Atlantique, la Corse, les iles bretonnes de Sein, de Molène et d’Ouessant et, d’ici 2020, Wallis et Futuna en vertu de l’art. 65 du projet de loi) sert principalement à couvrir les surcoûts de production et représente le pilier de la transition énergétique dans ces territoires. Sans elle, (i) le développement des énergies renouvelables dans les outre-mer se trouverait freiné, (ii) le coût de l’énergie serait plus que doublé : cela ne pourrait être supportée par les consommateurs ultramarins (ménages et entreprises) sur lesquels les fournisseurs d’énergie reporteraient cette augmentation brutale. Il est « normal » et indispensable que cette péréquation tarifaire continue à être assurée par la solidarité nationale. Elle a d’ailleurs également vocation, toujours en vertu du même principe, à être étendue aux collectivités de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie : c’est ce que prévoit, à terme, l’article 63 quinquies du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale : « Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2015, un rapport indiquant quelles mesures spécifiques d’accompagnement il entend développer en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, afin de permettre à ces trois collectivités territoriales d’appliquer les principaux dispositifs de la présente loi. Ce rapport étudie tout particulièrement les modalités selon lesquelles ces trois collectivités pourraient bénéficier de la contribution au service public de l’électricité pour leurs productions locales d’électricité ».

Consulter le texte adopté par le Sénat :

http://www.senat.fr/leg/tas14-067.html

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