Discours de Jean-Pierre Philibert à l’occasion des vœux de la FEDOM (28.01.2015 à la Créole)

Discours de Jean-Pierre Philibert à l’occasion des vœux de la FEDOM (28.01.2015 à la Créole)

Madame la Ministre des Outremers

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires et leurs collaborateurs

Messieurs les conseillers du Président de la République et du Premier ministre

Mesdames et Messieurs les membres des cabinets ministériels

Monsieur le Général commandant le SMA

Monsieur le Président du CREFOM,

Monsieur le Préfet, Directeur général de la DGOM,

Monsieur le Directeur général d’Atout France

Mesdames et Messieurs les entrepreneurs, chers membres de la FEDOM

Mesdames et Messieurs les journalistes

Chers amis

 

 

Tout le monde comprendra que mes premiers mots et mes premiers vœux s’adressent à nos amis journalistes. Les tragiques événements que notre pays a traversé ont montré, s’il en était besoin, que le métier d’informer ou de commenter l’actualité, quel qu’en soit la forme, était un métier à risques. On le savait hélas pour ceux qui couvrent les théâtres d’opération extérieurs, mais on ne savait pas qu’un jour on assassinerait sur le territoire français des journalistes et caricaturistes pour leur dénier le droit d’écrire ou de dessiner.

 

L’immense émotion qui s’est emparée de notre pays à la nouvelle de ce drame et la mobilisation qui s’en est suivie nous ont rassuré sur notre capacité et notre volonté collective à nous rassembler pour réaffirmer notre attachement aux valeurs fondatrices de la République.

 

Mais je n’oublie pas pour autant que nombre de journaux et organes de presse sont en grande difficulté dans nos territoires et que des interrogations demeurent sur le service public audiovisuel dédié à nos Outremers.

 

Alors, pour vous tous Mesdames et Messieurs les journalistes, je forme le vœu que l’année 2015 soit celle de la sérénité retrouvée.

 

Une cérémonie de vœux est un exercice à la fois convenu et sympathique et nul doute que nous n’échapperons pas à la règle.

 

Je souhaiterais cependant que nous puissions aller un peu plus loin.

 

Votre présence nombreuse, et notamment celle des anciens ministres de l’outre-mer ou des outremers comme celle des parlementaires et des hauts responsables qui sont ici, crée en effet une exigence. Celle de se dire les choses directement, sans parti pris mais sans concession.

 

Un mot d’abord sur notre Fédération. Nous sommes présents aujourd’hui dans tous les outremers où nous fédérons l’immense majorité des organisations professionnelles et syndicales d’employeurs, ainsi que nombre d’entreprises, petites ou grandes, qui travaillent ou ont des intérêts dans nos territoires.

 

Cela nous a amené à fortement renforcer notre équipe à Paris avec la présence entre autres de notre secrétaire générale Samia Badat-Karam et l’arrivée à l’été 2014 de notre nouveau Délégué Général Philippe Mouchard. S’est également mis en place, sous l’impulsion de notre ancien Président Guy Dupont et de notre ancienne Déléguée Générale Annie Iasnogorodski, un Think Thank ou Comité de réflexion qui prépare un « Livre blanc sur le développement productif des outre-mer».

 

Nous avons également en 2014 signé une convention de partenariat avec LADOM et le SMA, et sommes adhérents et partenaires du CREFOM. En 2014 également nous avons  poursuivi notre extension dans tous les DCOM avec un 1er déplacement à Mayotte en Octobre 2014, organisé deux Colloques emblématiques à l’assemblée nationale sur le Tourisme en Septembre et sur les collectivités du Pacifique en Novembre.

 

Nous avons enfin mis en place en Juillet un tableau de bord, accessible à tous, où l’on peut retrouver toutes les données chiffrées, dans tous les domaines et parfois inédites, intéressant l’outre-mer. Notons enfin la montée en puissance de notre Lettre hebdo, de plus en plus appréciée…et de plus en plus lue et reprise dans les medias.

 

L’année 2015 sera marquée par la journée Outremer développement qui aura lieu le 11 avril et dont nous sommes partenaires, la troisième édition de notre colloque sur le tourisme, l’organisation avec le Sénat d’une nouvelle journée consacrée au Pacifique. Nous envisageons également d’organiser une journée sur les opportunités économiques et entrepreneuriales liées à la nécessaire réussite de la départementalisation de Mayotte.

 

Je n’oublie pas que nous soutenons également fortement les projets économiques sur St-Pierre-et-Miquelon.

 

La FEDOM continuera, l’an prochain, à s’investir dans des thèmes porteurs, d’avenir pour nos outre-mer : économie maritime, transition énergétique, innovation, formation et promotion de l’esprit d’entreprise, économie sociale et solidaire…

 

Sur un plan économique plus général, l’année écoulée n’a pas été une mauvaise année.

 

Nous nous réjouissons en effet de la douzaine d’avancées indéniables et bienvenues lors des discussions du PLF 2015 et la mise en œuvre du Pacte de responsabilité, avec des mesures importantes pour le développement productif des Outre-mer.

 

Nous savons que nous le devons aux engagements du Président de la République mais aussi, Madame la ministre, à votre pugnacité, à celle des parlementaires et en particulier de Patrick Ollier – rapporteur du Budget de la mission Outre-mer – qui se sont bien mobilisés et aussi, un peu je crois, à la vigilance de la FEDOM.

 

Les entreprises des DCOM ont ainsi obtenu, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons :

 

–      Une augmentation des crédits de la mission Outre-mer, et surtout de ceux destinés au SMA ;

–      Trois extensions (« tropicalisation ») de travaux pour le CITE : (i) protection contre les rayonnements solaires, (ii) raccordement au réseau de froid d’origine renouvelable, (iii) ventilation naturelle ;

–      Sur le dispositif Duflot/Pinel la garantie d’un différentiel de 11 pts par rapport à la métropole, l’extension aux COM et le plafond porté de 10 000 € à 18 000 € ;

–      CICE majoré dans les cinq DOM : de 6 % à 7,5 % en 2015 et 9% en 2016 ;

–      Le CIR majoré : de 30 % à 50 % dès 2015 ;

–      Le Maintien de la TVA-NPR ;

–      Le Crédit d’impôt innovation majoré : de 20 % à 40 % dès 2015, cette mesure, défendue avec ferveur par la FEDOM, est tout à fait adaptée au tissu productif DOMien, composé essentiellement de PME ;

 

Mais aussi des mesures d’amélioration de l’Eco-PTZ, l’exonération des CCI des DCOM du prélèvement de 500 M. € sur leur fonds de roulement ou encore l’augmentation (de 38,25 % à 45,9 %) du taux de défiscalisation  sur la rénovation hôtelière à St-Martin, pour compenser la suppression de l’Aide à la rénovation hôtelière de la LODEOM.

 

Cela fit dire à l’un de vos collaborateurs enthousiastes que Bercy et accessoirement la Rapporteure générale du Budget à L’Assemblée nationale avaient avalé des « sombreros ». Bigre ! Mais il aurait pu choisir des couvre-chefs bien de chez nous comme le Vacoa ou les chapeaux zerb de la Réunion, le Katouri de Guyane, le Bakoua ou le Salako aux Antilles, les chapeaux en pandanus (pae’ore) en Polynésie ou les coiffes Tidi en Nouvelle Calédonie.

 

Naturellement il reste beaucoup à faire et nous devrons en 2015 poursuivre les réflexions autour de la mise en place du « CICE sur-majoré à 12 % » pour le secteur surexposé de la Lodéom, et notamment le tourisme, la R&D, les NTIC… Il conviendra d’engager, à cette occasion, une réflexion sur les effets de seuil (2,5 SMIC => aller à 4,5 SMIC pour ces secteurs ?), pour attirer des chercheurs et cadres de haut niveau, et éviter les « trappes à bas salaires ».

 

Par ailleurs, la majoration/ « tropicalisation » du CITE demeure inachevée à ce stade. On ne peut que déplorer l’échec de l’extension du CITE à des domaines emblématiques dans les DOM comme les travaux de confortement parasismique, problématique pourtant vitale aux Antilles, la récupération des eaux pluviales ou les toitures végétalisées. Par ailleurs, l’augmentation du taux du CITE dans les DOM (de 30 % à 40 %) n’a pas été votée, en dépit des annonces du Président Hollande lors du dîner du CREFOM, le 21 Novembre dernier.

 

Enfin, le début de la dégressivité en matière d’abattements à l’IS dans les ZFA (au 1er Janvier 2015 en vertu des dispositions de la LODEOM du 27 Mai 2009) ne laisse pas d’inquiéter. La dégressivité n’est pas encore dirimante en 2015, mais elle lèse particulièrement Mayotte, entrée dans le dispositif seulement en 2014.

 

Nous devrons également, nous entrepreneurs, assumer la contrepartie du pacte de responsabilité dans sa partie solidarité.

 

On constate un frémissement depuis quelques mois sur la situation de l’emploi Outre-mer, même si c’est assez contrasté selon les territoires : Il reste encore dans les DOM plus de 340 000 demandeurs d’emploi toutes catégories confondues ; mais sur l’année 2014, la courbe de chômage y a été effectivement inversée pour le chômage des moins de 25 ans, avec une baisse de plus de 3 %, lorsque le nombre de jeunes demandeurs d’emploi augmentait de 3 % dans l’hexagone.

 

Sur trois mois (Sept-Dec), la baisse du nombre de chômeurs toutes catégories confondues dans tous les DOM est de -1,5% lors qu’en métropole ce nombre a augmenté de + 2,3 %.

 

J’ai l’espoir que les partenariats signés que j’évoquais tout à l’heure et la confiance des chefs d’entreprise dans la volonté de l’Etat de tenir ses promesses, permettront une nette amélioration en 2015. Sauf événement mondial aux conséquences dommageables ou crise sociale majeure comme en 2009, j’en prends le pari.

 

Je voudrais enfin évoquer en quelques mots dossier du RGEC (Règlement d’exemption par catégorie).

 

L’article 67 de la Loi de finances rectificative pour 2014 est censé mettre en conformité avec le droit européen certains dispositifs d’aide fiscale (comme le crédit d’impôt prévu par l’art. 21 de la Loi de finances pour 2014), condition de leur applicabilité au 1er Janvier 2015.

 

Dès lors, quasiment tous les dispositifs ultramarins d’aides (investissement et fonctionnement) sont désormais placés sous RGEC.

 

En regroupant en un seul texte et en harmonisant les règles édictées auparavant, ce nouveau règlement, datant de Juin 2014, est censé réduire les démarches administratives liées à l’octroi des aides d’État. Lorsque les conditions fixées par le RGEC sont remplies, l’aide peut être ainsi immédiatement accordée par l’État membre, sans notification préalable à la Commission.

A priori, ce nouveau régime s’avère donc plus simple, mais les conditions fixées par le RGEC peuvent entrer en contradiction avec les dispositifs antérieurement mis en place. Il peut en résulter un enchevêtrement de textes, susceptible de susciter des interrogations de la part des socio-professionnels ultramarins. En effet, certaines conditions d’octroi peuvent être « durcies » (entreprises en difficulté, investissements de renouvellement) et des secteurs emblématiques comme l’énergie et les transports sont exclus, ce qui nécessite « normalement » de recourir à une notification ô combien chronophage, comme auparavant…

 

Enfin, s’agissant des aides au fonctionnement (Octroi de Mer, CICE majoré, CIR majoré, etc.), les plafonds annuels (10 % du CA) sont insuffisants, et inadaptés aux réalités économiques et concurrentielles des six RUP (les  cinq PTOM ne sont pas concernés par cette réforme) ;

 

Dès lors, une révision du RGEC s’avère nécessaire pour tenir compte des spécificités des RUP (françaises, mais aussi espagnoles et portugaises), reconnues au demeurant par l’article 349 du Traité de Lisbonne.

 

En attendant, des solutions pragmatiques devront être négociées avec Bruxelles et rapidement présentées par le Gouvernement, l’essentiel étant de garantir un fonctionnement « normal » des différents dispositifs –et de prévoir, comme convenu, le caractère opérationnel des « nouvelles » mesures comme le crédit d’impôt dès le début de cette année. Pour cela, il conviendra d’éviter deux écueils :

 

–      Un optimisme rapidement synonyme d’immobilisme et/ou de capitulation vis-à-vis des exigences de la Commission ;

–      Une interprétation psycho-rigide des textes, aboutissant, par « idéologie » (faire des économies) ou par méconnaissance (défaut de circulation entre Services centraux et Services déconcentrés de l’Etat), à un blocage des projets ;

 

Nous avons, avec nos amis d’Eurodom adopté jusqu’à présent une position de concertation et de dialogue avec vos services, que je tiens à nouveau à remercier pour leur écoute. La FEDOM n’a pas voulu communiquer sur une vision catastrophiste de la situation pronostiquant l’illégalité de toutes les mesures d’aide à très brève échéance (avec remboursement à la clé !) et donc le caractère inopérant des mesures du Pacte de responsabilité obtenues de haute lutte (CICE, CIR, CII)…De telles rumeurs aboutiraient in fine à la paralysie des économies DOMiennes, par attentisme et arrêt des investissements productifs.

 

Mais il est important que nous obtenions de Bruxelles, grâce à votre action, Madame la Ministre, des réponses rapidement.

 

J’en arrive au terme de ce que je tenais à vous dire d’un point de vue économique.

Mais peut-être en 2014 et en ce début 2015, l’essentiel pour nos Outremers était-il ailleurs.

 

On m’a souvent posé la question de mon engagement Pour l’Outre-mer. Et j’ai souvent eu conscience que mes réponses étaient parfois convenues même si elles faisaient référence à des histoires similaires avec mes racines irlandaises.

 

Mais j’ai trouvé une partie de la réponse dans la création du CREFOM initié par Victorin Lurel et Patrick Karam. J’ai conscience aujourd’hui dans une société qui se cherche, que nos outremers, où l’on sait que vivre ensemble est difficile, exigeant, mais que rien ne peut s’y accomplir sans la participation de tous, constituent des exemples pour la Nation française toute entière.

 

Le CREFOM a choisi le combat pour l’égalité réelle – magnifique combat s’il en est -et nous nous engagerons totalement à ses cotés.

 

La deuxième partie de la réponse m’a été apporté à la suite du lâche assassinat de notre petite compatriote Clarissa Jean-Philippe.

 

D’abord parce que toute sa jeune vie a été à contre courant des poncifs que l’on continue trop souvent d’entendre sur les jeunes ultramarins. Une jeune fille qui avait choisi de quitter son île mais qui était animée de la volonté de réussir sa vie. Ensuite par ce qui a été dit et écrit, notamment par vous Madame la ministre lors de la poignante cérémonie à Montrouge où vous avez rappelé qu’elle avait choisi de servir la République et ses valeurs.

 

Dans ces instants, au milieu de cette foule où les barrières des classes et des origines, des couleurs de peau, des religions, des murs séparant les êtres n’existaient plus, il n’y avait comme l’a écrit Jean Marie Le Clézio qu’un seul peuple de France, multiple et unique, divers et battant d’un même cœur.

 

J’ai eu la certitude dès lors que servir les Outremers c’était surtout servir la République.

 

En vous renouvelant à toutes et tous mes vœux pour 2015, pour vous mêmes et tous ceux qui vous sont chers, je souhaite que nous ne l’oublions pas.

 

Télécharger le discours:

Discours à l’occasion des voeux de la FEDOM vu PM 27 Janv-1

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