Interview de Maurice CERISOLA dans le JIR « La mer, le meilleur atout de la Réunion »

Interview de Maurice CERISOLA dans le JIR « La mer, le meilleur atout de la Réunion »

Maurice Cérisola : « La mer, le meilleur atout de la Réunion »

Certains en ont peur, mais l’accord de transbordement récemment conclu avec CMA-CGM, pour positionner le Grand port maritime de la Réunion comme hub régional est une chance pour l’île.

Alors que le chômage explose et que les solutions pour l’enrayer au plan local font défaut, Maurice Cérisola, président de la Réunion économique et du Cluster maritime de l’île, tourne son regard vers la mer, convaincu du potentiel de l’océan en terme d’activités et d’emplois.

Entretien

La mer, il est tombé dedans quand il était petit. Né en Guadeloupe, fils de marin, Maurice Cérisola revendique une « génétique marine », et avoue que l’océan l’a toujours marqué. Si son parcours professionnel l’en a d’abord éloigné, la mer l’a rattrapé quand il a pris la tête du Cluster maritime de la Réunion, fondé en 2011.

Engagé également au conseil de développement du Grand port maritime, le président de la Réunion économique se dit « viscéralement » attaché à la question de l’emploi, principalement celui des jeunes, dans une île où le chômage atteint les 30%, où 60% des jeunes n’ont pas de travail et où le niveau de croissance démographique n’a pas d’égal en Europe. Maurice Cérisola se pose continuellement ces questions : comment redresser la barre ? Comment créer de l’activité et des emplois durables, par milliers, à la Réunion ? Et si la mer avait un rôle à jouer ? Le président du Cluster en est persuadé et partage sa conviction. La Réunion dispose d’un potentiel maritime qu’elle sous-estime.

C’est un constat qu’il regrette. Alors que la France dispose dans l’océan Indien, de l’équateur aux Terres australes et antarctiques (Taaf), d’un espace maritime de 22 millions de km2. Qu’aux 11 îles françaises (la Réunion, Mayotte, Europa, Juan de Nova et les Glorieuses), sont associées des zones économiques exclusives de 2,8 millions de km2, soit l’équivalent de la Méditerranée ! Qu’est-ce qu’on en fait ? « La mer est un espace insuffisant exploité », déplore-t-il, persuadé que l’avenir des Réunionnais – « qui par leurs ancêtres sous tous arrivés ici par la mer » – se construira avec l’océan.

Car il représente un réservoir d’activité : « Qu’il s’agisse des possibilités offertes par les énergies marines renouvelables, l’exploitation des ressources minérales profondes, les molécules dans l’eau, d’une richesse extraordinaire d’un point de vue pharmaceutique, le développement du tourisme, l’accord de transbordement récemment conclu avec CMA-CGM, pour positionner le Grand port maritime de la Réunion comme hub régional, etc. Autant d’atouts doivent nous permettre de rayonner ! », détaille-t-il, avant de poursuivre : « Même le chantier de la nouvelle route du littoral est un atout ! Entre les barges qui s’installent, les métiers de soudeurs sous-marins et de scaphandriers créés, les études que l’on pourrait mener sur des sous-milieux aquatiques à cet endroit… La Réunion a une carte fantastique à jouer, quand est-ce qu’on va s’y intéresser ? »

« Je rêve d’un lycée professionnel de la mer, comme à Concarneau »

Et si l’État français n’avait pas lui-même pris la mesure du potentiel de développement de « l’économie bleue » ? « Les gens qui nous gouvernent sont parfois dans l’incohérence », confirme Maurice Cérisola… « Depuis le livre bleu de la mer (document de référence approuvé par le gouvernement Fillon, en 2009), l’État fait la promotion du milieu marin, mais retire dans le même temps des moyens à la Marine ». Il manque, selon lui, une adaptation des lois et décrets parisiens aux contextes ultramarins. Il faudrait aussi, au plan national, « un recentrage des services de la mer », pour « ne plus avoir à frapper aux portes de 6 ou 7 ministères »… L’apparition d’un « coordonnateur – centralisateur » des activités maritimes au plan régional, serait également bienvenue. Maurice Cérisola ne tarit pas d’éloges sur la mer et ses richesses. Sur, « son potentiel fabuleux pour créer de l’activité, attirer des scientifiques et faire émerger des labos »… Et puis, il a un projet. « Je rêve d’un lycée professionnel de la mer à la Réunion, comme à Concarneau et à la Rochelle », ajoute-t-il, sourire aux lèvres. Un « rêve » sur le lequel la Région serait en train de travailler.

Bien sûr, il existe des freins à cet engouement. L’océan Indien est rude, ses vagues immenses et ses cyclones empêchent par exemple l’installation d’éoliennes marines. Sans oublier la « crise requin »… S’il n’élude pas ces sujets, Maurice Cérisola a fait le choix de l’optimisme. « Pour réussir, il faut savoir tenter l’impossible ». Il prêche pour « l’imagination et l’inventivité ».

A ceux qui disent que ça patine, il répond encore qu’il faut « vivre d’espoirs ». Le fait que l’Outre-mer ait été l’invité d’honneur des Assises de l’économie de la mer, début décembre 2014, à Nantes, est déjà le signe d’un progrès, selon lui. « Ça n’était jamais arrivé ! », rappelle le président du Cluster maritime, lui qui y a participé et parlé du potentiel de notre île, en présence de Manuel Valls.

« Il y a quelque chose, en revanche, qui me rend malheureux. C’est le petit monde de la pêche autour du comité régional des pêches, qui vit en marge, qui vit tout seul. Leur rôle est important, évidemment, mais il faut arriver à faire l’unité. C’est long et quelquefois décourageant ».

Cependant, ni les critiques, ni les difficultés ne le feront changer. « À ceux qui disent : qu’est-ce vous foutez ? Je leur réponds : et vous, qu’est ce vous foutez par rapport à ces 7 000 jeunes qui restent au bord de la route tous les ans ?, répond-il avec son franc-parler. La mer est une possibilité immense, à nous de savoir l’utiliser », conclut-il.

Entretien Thomas Lauret pour le JIR

 

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