Résumé des échanges lors de la Commission des finances du 6 novembre
Christian ECKERT, rapporteur général
Je propose que nous nous donnions un an pour voir comment simplifier des dépenses fiscales très complexes et peu rentables, et transformer ces dépenses en crédits budgétaires.
Monsieur le président, je conteste le chiffre que vous venez d’avancer : le total des trois principales niches outre-mer, qui s’est réduit et assaini ces dernières années, est estimé à 675 millions d’euros en 2013, pour un montant de 1,05 milliard d’euros constaté en 2012. Ce chiffre dépassait autrefois 1,2 milliard d’euros.
Je propose donc de maintenir pour un an le plafond de 18 000 euros et 4 % du revenu imposable pour les outre-mer, et de prévoir la remise, au mois de mai, d’un rapport sur la possibilité de transformer les dépenses fiscales en crédits budgétaires
Patrick OLLIER
Alors que nous avons voté à l’unanimité, la semaine dernière, le budget de l’outre-mer – qui poursuit, du reste, la politique engagée par le Gouvernement précédent, et dont je suis le rapporteur spécial –, il nous est proposé subrepticement, au détour de l’article 56, de remettre en cause ce vote. Il faut dissocier le problème de l’outre-mer des problèmes généraux. En effet, le changement brutal de plafond obligerait à abandonner des projets en cours d’étude, ce qui serait catastrophique.
Ensuite, toute diminution aurait pour conséquence d’assécher la ressource destinée à l’aménagement du territoire outre-mer sans proposer de solution alternative.
Si, enfin, comme je l’ai entendu dire, le Premier ministre souhaite remettre à plat le dispositif consacré à l’outre-mer au début de 2013, pourquoi y toucher aujourd’hui pour un an ? Je préconise donc de le dissocier afin de préserver la lisibilité à moyen et long terme de la politique des outre-mer. On ne peut mettre subrepticement fin ici à un dispositif qui produit des effets positifs.
Mme Annick GIRARDIN
Voilà déjà plus de deux ans que certains d’entre nous demandent une évaluation de la défiscalisation outre-mer. En revanche, indiquer que le dispositif s’applique pour une année risque de faire peur à certains investisseurs, alors que nous ignorons tout de ce que nous ferons au vu du rapport demandé. La prudence s’impose donc.
Avec un chômage deux fois plus élevé et un PIB par habitant deux fois plus faible, avec des entreprises de petite taille et structurellement sous-capitalisées, les outre-mer connaissent bien plus de difficultés que la métropole. Il aurait fallu nous dire voilà une semaine, avant que nous ne votions à l’unanimité le budget de l’outre-mer, que vous vouliez supprimer ces 850 millions de recettes : nous aurions pu demander d’ajouter ce montant aux crédits budgétaires.
Serge LETCHIMY
L’engagement de substituer une dépense budgétaire à une dépense fiscale ne pourra pas être respecté immédiatement, mais l’examen de la loi de finances donne lieu chaque année à un débat. Les dispositifs spécifiques à l’outre-mer doivent être traités isolément. Ne pas le faire serait une erreur magistrale, qui aurait des conséquences économiques et sociales désastreuses – ce n’est pas une menace ; c’est une mise en garde.
Il faut donc dire non pas que le dispositif sera reconduit pour un an, mais que le Gouvernement dispose d’un an pour établir un rapport précis permettant de voir comment lisser la sortie de la défiscalisation et la remplacer par des dépenses budgétaires, au rythme de la capacité de l’État – car il ne faudrait pas laisser croire que nous aurons les moyens de ce remplacement dès 2013.
Hervé MARITON
Quant à leur remplacement par des dotations budgétaires, vieux débat qui pourrait s’appliquer à bien des dépenses fiscales, ne nous payons pas de mots : il ne pourra être intégral. Alors que le Président de la République avait promis pendant la campagne un effort budgétaire supplémentaire en faveur des outre-mer, nous n’avons fait qu’un dixième du chemin que nous devons parcourir en cinq ans pour atteindre l’objectif annoncé !
Yves JEGO
Il ne serait pas raisonnable de limiter la validité du dispositif à un an. Donnons-nous les moyens de résoudre le problème ; un rapport n’y suffira pas, contrairement à ce que pense notre collègue Letchimy : appelons-en solennellement au Gouvernement pour ouvrir le débat. Traitons donc séparément la niche outre-mer au lieu de l’inclure dans un « paquet » global qui présente plus d’inconvénients que d’avantages.
Christian ECKERT
Je ne propose pas de changer les 18 000 euros plus 4 %, les taux de réduction, les montages avec des taux à deux décimales, le retour sur défiscalisation, etc. Au contraire, je propose de ne rien changer !
Pendant un an, nous procéderons avec autant de précautions que pour le Scellier : si jamais le dispositif ne devait pas être reconduit, il n’en bénéficiera pas moins entièrement aux investissements engagés avant le 1er janvier 2014. Pourquoi ai-je proposé un délai d’un an ? Parce que depuis que je siège au sein de cette commission, j’entends dire tous les ans qu’il faut transformer la défiscalisation en crédits budgétaires. Combien de temps encore le dirons-nous ? Le rapport qui doit être remis pour le 1er mai 2013 laisse six mois au Gouvernement pour en étudier la possibilité. Si l’on estime alors qu’il faut un ou deux ans de plus pour finir le travail, pourquoi pas ? Mais cessons de pérenniser le système actuel au motif qu’il n’est pas possible de le modifier même si nous souhaiterions le faire !
Le coût budgétaire du dispositif, je vous l’ai dit, est d’environ 800 millions d’euros. Quelle proportion de cette dépense fiscale revient aux territoires ? Je ne suis pas sûr qu’elle atteigne la moitié !
Duflot outre-mer
Article 57 : Mise en place d’un dispositif de soutien fiscal en faveur de l’investissement locatif intermédiaire
M. Philippe GOMES
Aux termes de l’article 57, le dispositif dit « Duflot » a vocation à se substituer au dispositif dit « Scellier ».
Le dispositif « Scellier » donnait droit à une réduction d’impôt égale à 13 % du prix de revient du logement en métropole et à 24% de ce prix dans les départements d’outre-mer (DOM). Dans le dispositif « Duflot », ces deux taux seraient ramenés, l’un et l’autre, à 18 %.
Ces mesures étaient applicables à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna dans le cadre du dispositif dit « Scellier Pacifique » : le taux était fixé à 24 % comme dans les DOM ; l’amortissement se faisait sur une durée de cinq ans, contre neufs ans dans les DOM et en métropole.
L’alignement à 18 % des taux en métropole et dans les DOM risque de rendre le dispositif inopérant dans les DOM, où il était déjà peu utilisé. Les investisseurs de métropole privilégieront logiquement la métropole. Le différentiel de taux visait justement à les inciter à investir outre-mer.
En outre, pourquoi la zone Pacifique serait-elle exclue du dispositif « Duflot » incitant à la construction de logements intermédiaires ? Nous avons besoin, au même titre que la métropole et l’outre-mer, d’un tel dispositif. Dans un rapport portant sur la période de 2004 à 2009, la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie a estimé nécessaire la réalisation de 1 300 logements sociaux par an, dont 400 logements intermédiaires. Nous parvenons péniblement à en fournir la moitié. La Réunion connaît une situation analogue.
Je précise que la dépense fiscale « Scellier » pour l’outre-mer est estimée à 12 millions d’euros au total. N’étant pas membre de la commission des Finances, je n’ai pas déposé d’amendement à ce sujet. Je souhaitais néanmoins soumettre ces réflexions à la Commission.
Christian ECKERT, Rapporteur général
Des amendements ont été déposés et seront examinés au titre de l’article 88 du Règlement sur ce point. Je vous invite à vous mettre en rapport avec leurs auteurs.
Le Gouvernement pourrait être favorable à ces amendements sous certaines conditions, en particulier que l’écart de taux entre la métropole et l’outre-mer demeure de 11 points, comme dans le dispositif « Scellier ». Je n’ai pas d’indications concernant la durée d’amortissement.
Je note cependant que le « Scellier » a très peu fonctionné outre-mer.
M. le président Gilles CARREZ
Ces questions seront examinées en séance publique les 13 et 14 novembre prochains.
M. Charles de COURSON
J’apporte mon soutien à M. Gomes.