Lettre Hebdo N° 51 du lundi 22 octobre 2012
Tendance
Et la compétitivité ?
Que l’on ne s’y trompe pas, les entrepreneurs ultramarins sont, plus encore que leurs collègues métropolitains car leur environnement est encore plus concurrentiel, demandeur d’un « choc de compétitivité » pour éviter le décrochage économique.
La rentrée est en effet particulièrement morose et les carnets de commandes plats. Dans le même temps les défaillances d’entreprises ont augmenté de près de 45 % sur une année.
Que la France ait encore perdu du terrain en termes de compétitivité mondiale n’est pas un débat politicien mais une réalité. Selon le classement du World Economic Forum notre pays a encore reculé, pointant à un désastreux 21ème rang, à 15 places de l’Allemagne, derrière 10 pays européens.
Or on le sait, il n’y a pas mille façons d’améliorer la compétitivité d’une entreprise. Il convient d’abord de baisser le coût du travail, non pas des salaires mais bien évidemment des charges sociales et fiscales qui pèsent sur l’entreprise. Il convient ensuite de permettre à nos entreprises de pouvoir investir pour se moderniser, aller de l’avant et préserver l’emploi dans de bonnes conditions, c’est le rôle de la défiscalisation outre-mer.
Nous ne sommes pas des privilégiés comme il est dans l’air du temps de le répéter à l’envie, mais des chefs d’entreprise qui veulent travailler, investir, créer des richesses partagées et oeuvrer ainsi au développement de nos territoires.
Nous ne demandons pas « la charité » mais l’équité et, dans un monde où la dérision est considérée comme le remède aux angoisses collectives, un tout petit peu de respect.
Parlement
Budget 2013
Victorin Lurel, lors de la présentation du budget 2013 « mission Outre-mer » le 28 septembre 2012 a expliqué que le dispositif de défiscalisation n’était pas « un traitement de faveur ». « Il ne s’agit pas non plus d’un privilège », a-t-il indiqué.
Déterminés à « mobiliser tous les outils pour permettre aux entreprises de créer des emplois », le ministre des Outre-mer a annoncé que le dispositif qui plafonne l’avantage que peuvent tirer les contribuables de certaines niches fiscales à 10.000 euros, « ne concerne pas les dispositifs ultra-marins ».
Face à une situation économique et sociale « très difficile qui frappe nos compatriotes dans nos territoires », Victorin Lurel a réitéré les engagements de François Hollande, à maintenir les plafonds spécifiques pour l’outre-mer en précisant que « les dépenses fiscales sont un levier essentiel pour permettre le financement d’investissements productifs, mais aussi de logements sociaux ».
Victorin Lurel a expliqué que ce dispositif devra être « pensé dans le souci d’en améliorer le fonctionnement, d’en diminuer le coût sans déstabiliser les équilibres précaires ou la fragile dynamique qu’ils ont pu maintenir ».
Commission des finances
Par ailleurs les débats en Commission des finances ont donné lieu à de vifs échanges sur la défiscalisation. Voici un court résumé des propos tenus :
Annick Girardin (PS, St Pierre-et-Miquelon):
« En tant que députée d’outre-mer, je ne puis terminer mon propos sans évoquer la défiscalisation outre-mer, sujet sur lequel vous vous êtes montré particulièrement virulent, monsieur le Président. Vous savez pourtant combien ces économies sont fragiles. Elles ont été frappées par la crise économique bien avant l’Europe. Tant que notre pays ne pourra financer le développement économique outre-mer autrement que par la défiscalisation, il ne faut pas supprimer brutalement ce dispositif. Il faudra évidemment y venir, mais cela doit être réfléchi. »
Philippe Vigier (UDI, Eure-et-Loir)
« S’agissant des niches fiscales, le contribuable très riche peut continuer de profiter d’une très importante défiscalisation en investissant en outre-mer alors que le couple qui fait garder ses enfants ne peut pas bénéficier d’un allégement de son impôt supérieur à 10 000 euros. Cette situation est une injustice fiscale majeure. »
Éric Woerth (UMP,Oise)
« Dans le domaine des recettes, vos choix en matière de réduction des niches fiscales recèlent une injustice que certains de nos collègues ont déjà relevée. Il aurait notamment été utile de s’attaquer à la déduction fiscale permise par les investissements en outre-mer. »
Patrick OLLIER (UMP, Rapporteur du Budget de l’Outre-mer)
« Quant au dispositif Girardin, de défiscalisation des investissements Outre-mer, le mettre sous le plafond reviendrait à le supprimer, à tarir tout investissement productif Outre-mer et à condamner ces territoires à une perfusion budgétaire éternelle. En effet, le plafond global va aussi abriter les salaires des personnels employés à domicile, dont une partie est défiscalisée, et de nombreux contribuables peuvent également avoir réalisé des investissements patrimoniaux – acquisition de logements par exemple – en partie défiscalisés eux aussi. Le plafond de 10 000 euros sera donc le plus souvent déjà atteint avec ces avantages, qui auront en général la préférence du contribuable dans la mesure où les investissements Outre-mer sont plus risqués sans présenter de bénéfice pour sa vie domestique ou pour son patrimoine. Il ne réalisera ces investissements que s’il dispose encore de place sous son plafond et si l’avantage fiscal est suffisamment attractif.
En conséquence, toute baisse de plafond conduit mécaniquement à réduire l’aide accordée aux exploitants ultramarins.
S’il apparaît opportun de « moraliser » la procédure et de réduire les montants d’avantages fiscaux en sorte que de gros contribuables ne puissent s’exonérer totalement de leurs impôts, une contraction extrême et brutale conduirait à tuer le soutien aux investissements Outre-mer, en l’absence de dispositif alternatif. »
Propos en séance publique
Serge Letchimy (SRC – Martinique):
La ligne budgétaire unique (LBU) a été sanctuarisée, comme nous l’avions demandé, et sa combinaison avec la défiscalisation semble donner de bons résultats.
Quelles que soient les critiques ou les campagnes dont elle fait l’objet et malgré la nécessité de la moraliser, la défiscalisation est vitale pour l’Outre-mer, en particulier pour le logement social. J’approuve donc la position du rapporteur spécial, d’autant que le dispositif a déjà connu deux coups de rabot, de 10 % et 15 %. Comme tous les députés Outre-mer, je suis opposé à toute diminution de 4 % à 2 % du revenu imposable, et je le ferai savoir publiquement.
Jean-Claude Fruteau (SRC – Réunion):
Sur la défiscalisation, je voudrais mettre en garde contre les raccourcis un peu faciles. S’il est en effet de bon ton – spécialement dans cette commission des Finances, ce qui se comprend d’ailleurs – de préférer la dépense budgétaire à la dépense fiscale, cette philosophie ne peut s’appliquer aux Outre-mer.
Nous nous battrons par conséquent avec la dernière énergie pour le préserver. Je précise néanmoins que je ne suis pas un fanatique de la défiscalisation par principe : si le Gouvernement nous démontre que le financement de nos économies ultramarines peut être réalisé grâce à la simple dépense budgétaire, j’applaudirai des deux mains.
Jean Jacques Vlody (SRC – Réunion):
Je souscris pleinement aux analyses faites par les précédents orateurs à propos de la défiscalisation, dont la suppression imposerait des dépenses budgétaires vraisemblablement hors de portée dans la présente conjoncture budgétaire.
Philippe Gomes (UDI – Nouvelle Calédonie): Je souscris à ce qui a été dit sur la nécessité de maintenir la défiscalisation Outre-mer, mais il nous faut également donner l’exemple en tenant compte des cruelles observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de février 2012. Je proposerai donc d’abaisser de 300 000 à 250 000 euros, voire à 100 000 ou 150 000 euros, le seuil des investissements non soumis à une obligation d’agrément préalable de la direction du Budget. En effet, ne connaître qu’a posteriori le cheminement d’un montant non négligeable d’argent public n’est pas satisfaisant. Étant donné le contexte budgétaire actuel et les rigueurs « polaires » qui nous attendent, nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération la nécessité de plus de transparence et d’un meilleur contrôle de l’utilisation des deniers publics.
Mme Hélène Vainqueur-Christophe (SRC – Guadeloupe) :
Cela étant, il est vrai que la défiscalisation apporte beaucoup au secteur du logement social : sa remise en cause freinerait les constructions alors même qu’il manque plus de 100 000 logements sociaux Outre-mer.
À l’instar de mes collègues, je m’opposerai à toute modification du dispositif de défiscalisation en faveur de l’Outre-mer, que je suis toujours choquée d’entendre qualifier de niche fiscale. De fait, les effets d’aubaine qu’il a pu engendrer par le passé ont déjà fait l’objet de rectifications. S’il reste sans doute des efforts à faire, il soutient incontestablement l’investissement productif, le secteur du logement social et par conséquent l’économie de l’Outre-mer. Or tout amendement qui le remettrait en cause ou simplement en réduirait l’attractivité, en dépit de l’engagement pris par le candidat François Hollande, permettrait certes un gain de recettes mais signerait l’arrêt des investissements dans nos territoires.
Thierry Robert (RRDP – Réunion).
Enfin – et cet avis est unanimement partagé par mes collègues –, la défiscalisation est extrêmement importante pour nos territoires car c’est elle qui nous permet de nous en sortir. Si, actuellement, elle est essentiellement destinée à financer la construction de logements sociaux, serait-il envisageable d’en orienter une partie vers la construction d’infrastructures touristiques ? Une telle mesure contribuerait à faire baisser le taux de chômage record que l’on enregistre Outre-mer, surtout parmi les jeunes.
Gilles Carrez (UMP – Val de Marne, Président de la Commission des finances).
Il serait peut-être plus pertinent que, faisant exception à la norme « zéro valeur », l’État augmente ses crédits budgétaires en faveur de l’Outre-mer par un recours accru à l’emprunt et qu’il réduise d’autant ses dépenses fiscales(…) les cabinets de défiscalisation sont gérés par des gens sérieux et les taux de rémunération, de 6 ou 7 %, sont devenus raisonnables –, nous avons cependant tout intérêt à faire un travail de remise à plat avec nos collègues de l’Outre-mer, comme nous en avions émis le souhait la dernière fois que ce sujet avait été évoqué ici même, avec le rapporteur spécial d’alors, Claude Bartolone, et le président de la Commission de l’époque, Jérôme Cahuzac.
Brèves
Table ronde sur le développement durable outre-mer
Mercredi 17 octobre à matin, la commission du développement durable et la délégation aux Outre-mer ont organisé une table ronde sur le développement durable outre-mer avec Victorin Lurel, ministre des outre-mer, Vincent Bouvier, délégué général à l’outre-mer, des représentants de l’Agence des aires marines protégées, l’IFREMER et les directions générales de l’énergie et du climat et de la prévention des risques.
Création d’un think thank entre politiques et entrepreneurs
Ce 16 octobre à l’Assemblée nationale, 70 députés autour d’Olivier Dassalt, Philippe Briand, Catherine Vautrin et Laure de la Raudière entre autres, se sont réunis pour créer ce think thank baptisé GEEA (Génération entreprise-entrepreneurs) pour faire la pédagogie de l’économie en rappelant que l’entreprise est une nécessité vitale pour la France. Leur mot d’ordre : « arrêtons d’accabler nos entrepreneurs ».
Parutions au JO
Jo du 18 octobre 2012
– Décret du 16 octobre 2012 fixant l’étendue des zones et les servitudes pour la protection de la réception des ondes contre les perturbations électromagnétiques applicables au voisinage du centre radioélectrique de Météo-France du Tampon, lieudit Piton Villers (La Réunion)
– Décret du 16 octobre 2012 fixant l’étendue des zones et les servitudes pour la protection contre les obstacles à la propagation des ondes applicables au voisinage du centre radioélectrique de Météo-France du Tampon, lieudit Piton Villers (La Réunion)
JO du 20 octobre 2012
– Décret n° 2012-1168 du 17 octobre 2012 relatif au développement de la sécurité sociale à Mayotte