COMMISSION D’EVALUATION DES INVESTISSEMENTS PHOTOVOLTAIQUES EN OUTRE-MER, juin 2011
SommAIRE
INTRODUCTION
1. Parmi les objectifs et attentes de la commission, le souci de la transparence et de la clarification de sujets techniques complexes a prévalu.. 2
2. Au terme des réunions tenues par la commission sur la filière photovoltaïque, de nombreux éléments de constats sont partagés.. 3
2.1.. Le photovoltaïque a pris toute sa part dans la mise en œuvre des objectifs ambitieux pour l’outre-mer 3
2.2.. Un large consensus apparaît pour préserver les espaces agricoles. 4
2.2.1. La voie des schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE). 5
2.2.2. La voie des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles 5
2.3.. Un constat partagé sur les limites atteintes actuellement dans le développement du photovoltaïque 6
3. Les travaux de la commission ont permis une clarification substantielle de deux sujets très sensibles.. 7
3.1.. La défiscalisation des investissements photovoltaïques a connu des dérives spéculatives 7
3.2.. Les conséquences de l’intermittence sur la gestion de la filière photovoltaïque sont désormais mieux appréhendées. 8
3.3.. En conséquence, un consensus s’établit autour d’appels d’offre spécifiques pour l’outre-mer 10
4. Le mode d’installation des panneaux photovoltaïques en toiture présente des difficultés techniques, susceptibles d’avoir un impact en matière tarifaire, et reste à clarifier.. 11
5. Certains aspects de la problématique photovoltaïque ne font pas l’objet d’une appréciation totalement concordante par les parlementaires, ce qui peut s’expliquer par les potentialités énergétiques différentes des territoires qu’ils représentent.. 13
5.1.. Le développement de la filière photovoltaïque ne présente pas le même intérêt pour le développement de chacun des territoires ultramarins. 13
5.2.. L’appréciation des effets sur l’emploi des investissements photovoltaïques n’est pas unanime. 14
5.3.. Les conséquences du moratoire sur les professionnels n’ont pas été perçues de la même manière dans l’ensemble des territoires. 14
6. Le droit à l’énergie électrique des familles vivant dans des sites isolés – qui passe par des installations photovoltaïques – justifie le maintien d’une aide à l’investissement apportée par l’État et la collectivité nationale.. 15
6.1.. La situation en Guyane et en Polynésie française. 16
6.2.. Pour l’avenir, au-delà des projets d’ores et déjà décidés et financés, comment se présentent les développements futurs ?. 17
7. Dix propositions pour accompagner un « développement raisonné des énergies renouvelables intermittentes ».. 18
Conclusion.. 22
Introduction
La commission d’évaluation des investissements photovoltaïques en outre-mer a été instaurée par l’article 36 de la loi de finances pour 2011 (n° 2010-1657 du 29 décembre 2010), alors que, simultanément, était supprimée la défiscalisation sur les investissements portant sur des installations de production électrique utilisant l’énergie radiative du soleil. Cet article demande que les conclusions de la commission, assorties, le cas échéant, de propositions législatives, soient remises au Parlement avant le 30 juin 2011 (cf. article 36 en annexe 1).
Les membres de la commission, composée de parlementaires et de représentants de l’administration, sont mentionnés en annexe 2.
La commission a été installée le 12 avril 2011 conjointement par M François BAROIN, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État et Mme Marie-Luce PENCHARD, ministre chargée de l’outre-mer.
Certains membres de la commission ont émis le vœu que celle-ci termine ses travaux pour la fin mai de manière à pouvoir proposer des ajustements d’ordre législatif dans le calendrier d’un collectif annoncé pour début juin 2011, si l’utilité s’en faisait sentir. En conséquence, la commission a adopté un rythme de travail rapide. Elle s’est réunie à quatre reprises après son installation.
Les comptes rendus des réunions tenues par la commission ainsi que les documents remis à ses membres font l’objet de l’annexe 4.
Le présent rapport n’a pas vocation à décrire et évaluer le fonctionnement de la filière photovoltaïque outre-mer. D’autres travaux ont été faits en ce sens, notamment le récent rapport de la mission d’inspection sur « l’excellence énergétique dans les zones non interconnectées ». L’objet du présent rapport a été de retracer les préoccupations des parlementaires membres de la commission et de formuler des recommandations, bien au-delà de la seule question de la suppression de la défiscalisation sur les installations photovoltaïques, dans un contexte où la diversité des territoires se retrouve dans la diversité des positions des uns et des autres.
- Parmi les objectifs et attentes de la commission, le souci de la transparence et de la clarification de sujets techniques complexes a prévalu
Selon l’article 36 de la loi de finances pour 2011, la commission d’évaluation des investissements photovoltaïques en outre-mer a pour objet d’évaluer l’impact de la suppression – par ce même article 36 – de la défiscalisation sur les « investissements portant sur des installations de production électrique utilisant l’énergie radiative du soleil » sur la sécurité des approvisionnements énergétiques et la puissance électrique installée des départements et collectivités d’outre-mer. Elle doit également évaluer le montant de l’aide accordée aux autres secteurs économiques éligibles àla défiscalisation Enfin, il lui est également demandé d’évaluer la possibilité de mettre en place des « zones de développement du photovoltaïque au sol » s’intégrant dans un schéma global d’aménagement du territoire.
Lors de l’installation de la commission, les ministres ont souhaité que la commission ne se limite pas à la question de la défiscalisation et aux conséquences de sa suppression sur la filière photovoltaïque et, s’agissant de la ministre chargée de l’outre-mer, qu’elle se consacre seulement à la production d’électricité d’origine photovoltaïque, les délais ne lui permettant pas de traiter l’ensemble des énergies renouvelables.
Le cadre de la commission étant ainsi posé, les parlementaires ont évoqué l’ensemble de leurs sujets de préoccupation, que ce soient des sujets techniques complexes ou des thèmes plus spécifiques aux départements /régions qu’ils représentaient. Ces préoccupations sont à la hauteur de l’attachement profond des élus d’outre-mer à la filière photovoltaïque, considérant qu’il s’agit là à la fois d’une vitrine de l’excellence ultra-marine et d’une filière prometteuse pour l’avenir, susceptible d’engendrer des savoirs faire, porteurs d’exportations et d’emplois.
® Parmi les sujets techniques complexes, le seuil de 30 % d’énergie intermittente (photovoltaïque + éolien) injectée sur le réseau est celui qui suscitait le plus de questions, voire de doutes de la part de parlementaires, dès lors que son franchissement peut signifier arrêt du développement de la filière et déconnexion du système de production électrique (cf. § 3.2). Les élus se sont montrés très concernés par la question des prévisions de production et du stockage de l’électricité produite par les installations photovoltaïques, notamment dans une perspective d’autoconsommation des ménages, dans la mesure où c’est le seul moyen de dépasser le seuil de 30 %. A cet égard, les délais dans lesquels sont conduites les expérimentations en matière de prévision de production, de stockage et d’autoconsommation sont l’objet de fortes préoccupations car considérés comme trop longs, même si personne ne conteste la nécessité de ces expérimentations et leurs difficultés.
® Parmi les thèmes plus spécifiques à l’une ou l’autre des collectivités représentées, ont été évoquées la question de la production d’électricité dans les sites isolés (cf. § 6) et celle de l’intégration du photovoltaïque dans les territoires. Certains parlementaires se sont en effet montrés préoccupés par les difficultés d’intégration de certaines installations photovoltaïques dans les paysages naturels ou urbains ; d’autres ont souligné la contradiction entre l’objectif de maintien des surfaces consacrées à l’agriculture et les emprises au sol de certaines installations photovoltaïques. Beaucoup ont souhaité qu’il soit mis fin à la réduction des surfaces agricoles (cf. § 2.2.). Le conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM), en novembre 2009, avait déjà recommandé d’éviter des conflits d’usage avec les terres agricoles.
® S’agissant du financement des investissements en matière d’installations photovoltaïques, la commission a consacré beaucoup de temps à la question des tarifs d’achats et fait plusieurs suggestions en cette matière.
Les ministres ont enfin souhaité que les directions représentées au sein de la commission mettent à sa disposition tous les éléments d’information, d’analyse et d’expertise nécessaires à l’évaluation de la filière photovoltaïque. Ce souci de transparence a été fortement relayé par les parlementaires qui ont plus particulièrement insisté, outre les sujets techniques complexes, sur la question de la « file d’attente ». Cette question est en effet préoccupante pour l’avenir dans la mesure où l’atteinte du seuil de 30 % peut se traduire par des durées de déconnexion impactant la rentabilité des installations raccordées voire par un abandon des dossiers en attente.
Au cours des réunions tenues par la commission, la présence permanente de la direction générale de l’énergie et du climat (direction de l’énergie), d’EDF–SEI et de la direction générale des finances publiques (bureau des agréments et rescrits) a permis d’aller dans le sens de la transparence la plus élevée possible, souhaitée par les ministres. Dans cet objectif, le syndicat des énergies renouvelables (SER), représentant l’ensemble des professionnels de la filière photovoltaïque, a été invité à présenter ses préoccupations et propositions àla commission. Dansle même souci de transparence et de clarification, le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a été auditionné sur un point majeur de préoccupation des parlementaires d’un grand nombre de départements d’outre mer, celui de la technique d’installation des panneaux photovoltaïques compte tenu de son impact éventuel sur le tarif d’achat mais aussi dans le souci de la protection du consommateur (cf.§4.). Celui-ci doit en effet bénéficier des mêmes garanties qu’en métropole sur la qualité de la construction et le respect des règles de l’art, ce qui renvoie à la formation et à la capacité technique des entreprises installatrices.
Enfin, il est à noter qu’un exemplaire du rapport sur « l’excellence énergétique dans les zones non interconnectées » établi par l’inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l’industrie, des mines et des technologies (CGIET) a été remis a chaque membre de la commission.
- Au terme des réunions tenues par la commission sur la filière photovoltaïque, de nombreux éléments de constats sont partagés
2.1. Le photovoltaïque a pris toute sa part dans la mise en œuvre des objectifs ambitieux pour l’outre-mer
Le Grenelle de l’environnement fixe pour l’horizon 2030 un objectif d’autonomie énergétique aux départements et collectivités d’outre-mer, avec un pallier intermédiaire de 50 %[1] d’énergie renouvelable dans le mix énergétique en 2020. Le Conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM) de novembre2009 a repris à son compte cet objectif.
Celui-ci est pleinement partagé par la commission qui réaffirme sa volonté de développer fortement et rapidement les énergies renouvelables, dont le potentiel et la diversité sont considérables dans les départements et collectivités d’outre-mer. La commission souhaite que les expérimentations et phases pré-commerciales nécessaires à la mise en œuvre des différentes technologies soient accélérées, tout particulièrement en matière d’énergies garanties non intermittentes. Elle demande ainsi que soit encouragée par les pouvoirs publics la technologie utilisant l’énergie solaire à concentration thermodynamique avec stockage, qui peut présenter de nombreux avantages et est en pleine expansion au niveau mondial.
L’objectif d’autonomie énergétique s’appuie sur le constat d’une très grande dépendance du mix énergétique actuel aux énergies carbonées, 75 % de la production électrique étant, en moyenne, issue des énergies carbonées (centrales thermiques au fuel ou au charbon), importées à des prix de plus en plus élevés. En l’état actuel des choses, l’énergie nucléaire ne constituant pas une alternative, l’autonomie énergétique ne peut se décliner qu’à partir des énergies renouvelables.
Face aux coûts de production élevés outre-mer de l’énergie d’origine carbonée, le photovoltaïque pouvait paraître comme une solution appropriée aux climats ensoleillés de la plupart des collectivités d’outre-mer, d’autant que la technologie est apparue plus accessible que beaucoup d’autres énergies renouvelables.
Les chiffres témoignent du rôle moteur joué par le photovoltaïque dans la mise en œuvre des objectifs du Grenelle de l’environnement : au 31 mars 2011, dans les départements et collectivités d’outre-mer dans lesquelles EDF est présente directement ou au travers d’une participation (SEM Électricité de Mayotte), 3134 installations photovoltaïques, de toutes puissances, étaient raccordées au réseau électrique pour une puissance de 175 mégawatts. Cela représente en moyenne 8,6 % de la puissance installée totale et 21 % de la seule puissance issue des énergies renouvelables. Ces chiffres varient d’un département à l’autre (Cf. annexe 4). Si tous les dossiers en attente de raccordement (file d’attente) à cette date étaient raccordés, ces chiffres passeraient à 6000 installations raccordées, correspondant à une puissance installée de 400 mégawatts, soit 13,5 % de la puissance installée totale et 36 % de la puissance issue des énergies renouvelables. Pour autant, si les capacités installées sont très importantes, la production induite par ces capacités reste modeste (cf. § 2.3 ci-dessous).
2.2. Un large consensus apparaît pour préserver les espaces agricoles
Dans les départements d’outre-mer (mais aussi à Saint-Martin), la pression foncière très forte, du fait notamment de l’urbanisation et de la croissance des activités commerciales, a fait reculer les surfaces consacrées à l’agriculture : en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion, les surfaces agricoles ont diminué de respectivement 32 %, 25 % et 12 % entre 1989 et 2007[2]. En Guyane, cette pression s’exerce fortement sur le littoral.
Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle concerne des territoires soumis à de fortes contraintes naturelles (pentes importantes, éboulements, cyclones…) et à des densités démographiques importantes, si bien que ces départements ne parviennent pas à satisfaire l’ensemble de leurs besoins alimentaires.
La volonté des élus de freiner ou stopper la perte de surfaces agricoles conduit une partie d’entre eux à encadrer voire refuser l’installation de « fermes photovoltaïques au sol». C’est le cas de la Guadeloupe qui – dans le cadre de l’habilitation de son conseil régional (sur la base de l’article 73-3 de la Constitution) à fixer les règles applicables en matière de développement des énergies renouvelables – a décidé que tout projet photovoltaïque au sol devait avoir une puissance installée inférieure à 1,5 MW et faire l’objet d’une décision favorable du dit conseil, après avis d’une commission ad hoc consacrée aux énergies renouvelables intermittentes[3]. C’est aussi le cas de la Martinique : le président du conseil régional a fait état devant la commission de son opposition à tout développement de fermes photovoltaïques au sol.
Cependant, cette volonté trouve ses limites dans les outils juridiques existants, leur absence ou leur enchevêtrement : en l’absence de documents d’aménagement suffisamment prescriptifs, le permis de construire nécessaire à l’installation d’une ferme photovoltaïque au sol relève de l’État, et non du conseil régional. Autant la position de la Guadeloupe – prise dans le cadre d’une habilitation législative – s’impose aux porteurs de projets de fermes photovoltaïques, autant, en Martinique, la position exprimée par le conseil régional en termes d’aménagement de l’espace ne peut avoir de débouché que par la voie contentieuse, la contestation des permis de construire par des personnes ayant intérêt à agir. Cette solution est évidemment peu performante.
Il conviendrait donc de doter les départements et collectivités d’outre-mer de documents plus prescriptifs d’aménagement et d’occupation de l’espace, permettant aux élus de faire valoir la politique énergétique qu’ils souhaitent mettre en œuvre et de prévenir ainsi les conflits d’usage des terres agricoles, comme le recommandait le CIOM. Deux voies semblent possibles, un meilleur ciblage des schémas régionaux, climat, air, énergie (SRCAE) d’une part, les futures commissions départementales de la consommation des espaces agricoles, d’autre part.
2.2.1. La voie des schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE)
En l’état actuel de leur rédaction, il ne semble pas que les schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE), approuvés conjointement par le préfet et le conseil régional, et prévus par la loi Grenelle2[4], puissent constituer une solution permettant de régler les conflits d’usage évoqués ci-dessus. D’une part, ils ne sont pas encore rendus, le décret d’application n’ayant pas encore été pris ; enfin, même s’ils étaient pris, ils constituent des documents d’orientation, sans effet prescriptif sur d’autres documents d’urbanisme ou d’aménagement, à l’exception cependant de l’énergie éolienne pour laquelle un zonage est prévu.
Comme pour l’éolien, il pourrait être envisagé de prévoir un « schéma régional du photovoltaïque au sol » qui constituerait un volet annexé au SRCAE et définirait les parties du territoire régional favorables au développement des fermes photovoltaïques au sol. Cette disposition nécessiterait une modification législative du code de l’environnement.
2.2.2. La voie des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles
Il semble aussi possible de recourir à un outil mis en place par l’article 51 de la loi n°2010-874 de modernisation de l’agriculture et de la pêche (27 juillet 2010), la « commission départementale de la consommation des espaces agricoles ».
A ce jour, cette commission n’existe pas outre-mer. Un projet d’ordonnance[5] relatif à la protection et à la mise en valeur des terres agricoles dans les départements d’outre-mer, dans le département de Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin prévoit d’étendre cette commission – qui serait présidée par le préfet – aux départements et collectivités d’outre-mer précités. Le projet d’ordonnance a d’ores et déjà prévu que « tout projet d’aménagement et d’urbanisme….ayant pour conséquence d’entraîner le déclassement des terres classées agricoles » doit faire l’objet d’un avis favorable de la dite commission. Cependant, dans la rédaction actuelle du projet d’ordonnance, il est prévu que cette compétence ne soit mise en œuvre que dans un délai de 5 mois après sa publication.
En l’état actuel des choses, ce dispositif doit pouvoir constituer un instrument adéquat permettant de concilier la préservation des terres agricoles et le développement des installations photovoltaïques : les projets de fermes photovoltaïques au sol peuvent s’inscrire dans l’avis rendu par la commission sur les projets d’aménagement. Il apparaît préférable de citer expressément dans le dispositif les projets de ferme photovoltaïque au sol. En outre, pour qu’un tel dispositif puisse être opérant lors des prochains appels d’offre, le délai de 5 mois précité devrait être fortement écourté (cf. proposition 3).
A court terme, il semble aussi possible de prévoir des clauses spécifiques dans les appels d’offre de manière à exclure l’implantation des centrales au sol sur terres agricoles (cf. proposition 2).
2.3. Un constat partagé sur les limites atteintes actuellement dans le développement du photovoltaïque
® Le photovoltaïque est l’énergie renouvelable la plus coûteuse, compte tenu notamment de sa faible production
Comme le montrent les informations fournies par EDF et la DGEC (cf. compte rendu du 4 mai 2011 et ses documents annexés), il s’agit de l’énergie renouvelable la plus coûteuse, et qui le restera encore pour plusieurs années. Plusieurs raisons se cumulent en effet :
– des coûts d’investissement par kilowatt encore élevés, même si la fourniture des panneaux photovoltaïques eux-mêmes voit son coût baisser régulièrement depuis quelques années ;
– un fonctionnement intermittent : par construction, les installations photovoltaïques ne fonctionnent ni la nuit ni par temps nuageux. Elles produisent de l’électricité pendant environ 1400 heures seulement, à la différence de l’hydroélectricité, de la géothermie, du biogaz ou de la biomasse qui produisent presque toute l’année, le jour comme la nuit.
Ainsi, la production d’électricité induite par les installations photovoltaïques reste très modeste, malgré une très importante puissance installée, supérieure au tiers de la capacité totale installée en énergie renouvelable. Dès lors, l’énergie produite par le photovoltaïque (sans stockage) ne peut satisfaire que 5 à 7 % des besoins de consommation.
Il en résulte un tarif d’achat plus élevé que pour les autres énergies et un coût pour la collectivité – au travers de la CSPE – plus important. Avec les tarifs applicables en 2010 (encore en vigueur pour un très grand nombre de dossiers en cours de raccordement), 1 000 mégawatts représentent environ 500 millions d’euros de CSPE par an, soit 6 milliards d’euros sur la durée des contrats.
® Une efficacité de la filière limitée
L’efficacité de la filière est moins importante pour le photovoltaïque que pour l’éolien en termes de développement de la filière industrielle française. Avant la suspension des tarifs de rachat le 9 décembre 2010 (annoncée le 2 décembre 2010), la filière était très concentrée sur l’aval, au stade de l’installation et de la maintenance (2/3 des emplois) et très peu développée sur l’amont, l’ensemble des composants étant importés de l’étranger. La situation est radicalement différente dans la filière éolienne, beaucoup plus développée sur l’amont avec des acteurs français, présents dans les DOM.
® L’impact sur le commerce extérieur de la France est négatif
La filière photovoltaïque est déficitaire d’environ 1,5 milliard euros en 2010, en raison des importations de panneaux. Ce déficit a triplé depuis 2008 et est amené à se creuser en 2011 et 2012, compte tenu du rythme d’installation prévisible.
Au total, on peut considérer que, au-delà des préconisations du Grenelle de l’environnement, le développement visible et concret du photovoltaïque dans les outre-mer a été un des facteurs déterminants de la prise de conscience nécessaire pour inscrire ces territoires dans le développement durable. A ce titre, les efforts importants consentis par les pouvoirs publics (défiscalisation) et les consommateurs (tarifs de rachat au travers de la CSPE) ont été tout à fait utiles au démarrage d’une politique active de développement durable.
Pour autant, à partir de cette prise de conscience, l’attention devrait désormais davantage se porter d’une part, sur les actions de maîtrise de la demande électrique, d’autre part sur les autres énergies renouvelables, notamment les énergies dites garanties, non intermittentes dont le développement devrait être accéléré avec le soutien des pouvoirs publics.
- Les travaux de la commission ont permis une clarification substantielle de deux sujets très sensibles
3.1. La défiscalisation des investissements photovoltaïques a connu des dérives spéculatives
Les installations de production électrique utilisant l’énergie radiative du soleil ont bénéficié, jusqu’au 31 mars 2011 de réductions d’impôt (à l’impôt sur le revenu) ou de déductions sur le bénéfice imposable (impôt sur les sociétés). L’essentiel des dossiers (85 %) recourait à des montages externalisés à l’impôt sur le revenu, avec l’intervention d’un tiers (monteur en défiscalisation) et d’investisseurs fiscaux bénéficiant d’une réduction d’impôt en contrepartie de leur apport en fonds propres au projet. Le taux de la réduction d’impôt (60 à 70 % selon les territoires) était majoré par rapport au taux de droit commun, sachant qu’une partie de l’aide publique – environ un tiers – ne bénéficiait pas au projet puisqu’elle rémunérait les investisseurs fiscaux.
Ces conditions de financement extrêmement favorables – qui se cumulent par ailleurs dans les départements d’outre-mer à d’autres aides publiques (TVA NPR, amortissement fiscal dérogatoire, abattement d’IS, tarif de rachat garanti pendant 20 ans… sans omettre le crédit d’impôt développement durable de 22 %, dont bénéficient les ménages ) se sont traduites par une accélération du nombre de dossiers d’installations photovoltaïques présentés à l’agrément de la DGFIP en vue de leur raccordement au réseau électrique : entre 2006 et 2010, les investissements figurant dans les demandes d’agrément reçues par la DGFIP sont passés de 72 millions d’euros à 1,5 milliard d’euros. Cette croissance a connu deux phases d’accélération : la première s’est produite entre le 15 et le 30 décembre 2008, en anticipation du plafonnement des niches fiscales, le volume d’investissements déposés ayant alors été multiplié par 8,5 entre 2007 et 2008 ; une seconde accélération, observée en septembre2010, aanticipé l’arrêt de la défiscalisation des installations photovoltaïques par le PLF pour 2011.
Ainsi, l’évolution du volume de dossiers présentés à l’agrément a obéi à des sollicitations de nature financière avant de répondre à une réelle demande économique. La croissance de l’offre l’a emporté sur la logique des besoins et de la demande.
Il en a résulté une croissance beaucoup plus importante des investissements agrées dans le secteur du photovoltaïque (qui représente 94 % des investissements agrées dans l’ensemble des énergies renouvelables) que dans tout le reste des secteurs éligibles àla défiscalisation. Lapart des investissements dans le secteur photovoltaïque dans le total des investissements agrées est ainsi passée de 9,5 % en 2006 à 33 % en 2009. Dans certains cas, les investissements agrées dans le secteur photovoltaïque ont dépassé les investissements agrées dans les autres secteurs, comme ce fut le cas à Mayotte et en Guyane par exemple, alors même que la satisfaction des besoins économiques et sociaux locaux auraient du conduire à des arbitrages différents dans le choix des secteurs à financer.
La dynamique des investissements dans le photovoltaïque – tirée en définitive par les arbitrages opérés par les monteurs en défiscalisation, en méconnaissance des besoins de développements locaux et en l’absence de toute régulation – a mis en évidence l’évolution des produits de défiscalisation photovoltaïques vers de purs produits financiers, le président de la commission les considérant même comme « très compétitifs au niveau mondial ».
Cette bulle spéculative a eu deux effets négatifs :
– un effet d’éviction sur les autres secteurs d’activité, notamment le secteur industriel et le logement social qui a tardé à bénéficié de capacités fiscales ;
– une explosion du coût budgétaire pour l’État – qui a été multiplié par 5 dans ce secteur et est passé de 49 millions € en 2006 à 253 millions € en 2009 – d’autant plus dommageable qu’une partie seulement de cette aide (60 %) concourt au financement de l’investissement, le reste étant réparti entre les intermédiaires, les monteurs en défiscalisation et les apporteurs de capacité fiscale.
C’est sans doute sur la base de ces constats que le président du syndicat des énergies renouvelables a déclaré, lors de son audition devant la commission, que la défiscalisation était « un mauvais outil ».
A contrario, le recours le plus fréquemment possible à la sélection des projets par appel d’offre – comme l’institue le cadre réglementaire mis en place en mars 2011 – apparaît infiniment préférable dans la mesure où cette procédure a le mérite de faire connaître le coût de sortie des projets proposés par les opérateurs, ce que ne permet pas le recours ex ante à la défiscalisation.
3.2. Les conséquences de l’intermittence sur la gestion de la filière photovoltaïque sont désormais mieux appréhendées
L’énergie produite à partir des installations photovoltaïques est, comme l’éolien, intermittente : la production dépend fortement des conditions météorologiques et peut s’arrêter, non seulement la nuit, mais au passage des nuages. Cette caractéristique provoque des variations de fréquence et de tension qui doivent être compensées instantanément pour éviter des coupures voire des black out, dont le consommateur ultra marin pourrait pâtir, par comparaison avec les systèmes de production actuels à base d’énergie carbonée plus réguliers et fiables de ce point de vue. A la différence du réseau continental interconnecté, dans lequel un passage de nuages sur une centrale au sol a un effet quasi négligeable, les mêmes nuages sur une centrale photovoltaïque outre-mer peuvent provoquer une perte de puissance immédiate et inattendue de 5 à 10 %.
La compensation des chutes de production photovoltaïque (ou éolienne) ne peut se faire que par le recours aux productions non intermittentes, dites garanties, qui fonctionnent quasiment sans discontinuer, l’hydroélectricité, la géothermie, la biomasse et, dans l’avenir, l’énergie thermique des mers. Dans la mesure où ces énergies sont encore insuffisamment développées, la compensation s’opère de fait par la production à base d’énergie fossile.
Les observations conduites dans des milieux insulaires non interconnectés ont montré que le seuil à ne pas dépasser d’énergie intermittente injectée dans le réseau se situe à 30 % de l’énergie totale injectée. Les comparaisons internationales qui figurent dans le rapport sur « l’excellence énergétique dans les zones interconnectées » montrent même qu’il existe des seuils plus bas (20 % à Maurice ou 25 % à Rodrigues). Il s’agit là d’un seuil technique repris par la réglementation.
Ce seuil sera atteint dans presque tous les DOM dès la fin de l’année ou même avant, en fonction de la mise en service des projets ayant demandé leur raccordement au réseau (la file d’attente).
Taux de pénétration des énergies intermittentes (photovoltaïque +éolien)
| Taux estimé Au 31 mai 2011 | Taux prévisionnel fin 2011 selon les hypothèses d’EDF |
La Réunion | 27 % | 35 % |
Guadeloupe | 21 % | 32 % |
Guyane | 17 % | 33 % |
Martinique | 15 % | 28 % |
Mayotte (selon EDT) | 30 % | / |
Source : EDF-SEI.
Lecture : le taux de pénétration est maximal lorsque le photovoltaïque produit le plus d’électricité (vers midi) et la consommation d’électricité est faible (le dimanche et les jours fériés). L’estimation ci-dessus est faite en supposant que les éoliennes et le photovoltaïque produisent globalement, le dimanche à midi, 60 % de leur puissance maximale (le vent n’est pas fort partout, il y a des nuages sur une partie de la région insulaire et certaines installations sont en panne).
La surveillance du réseau pour éviter, dans les conditions techniques et d’exploitations actuelles, le dépassement du seuil du 30 % conduira à des déconnexions temporaires des raccordements, qui aura un impact sur la rentabilité des projets puisque, durant ces épisodes, EDF ne rachètera plus de courant électrique.
Dans ces conditions, la place dans la file d’attente est décisive pour les candidats au raccordement. La commission a souhaité que toute la transparence soit faite sur la gestion de cette file d’attente : EDF indique que la règle est strictement chronologique, ce qui revient à dire que le premier entré est le premier servi, sous réserve que son dossier soit complet. Aucun dossier ne peut être considéré comme plus prioritaire qu’un autre pour passer devant. En ce domaine, la transparence a une limite, celle qui protège les données des demandes de raccordement au titre du secret commercial. De ce fait, seule la CRE est habilitée à réaliser un audit de la gestion de la file d’attente.
Pour l’avenir, le seuil de 30 % pourrait être moins bloquant qu’il ne l’est aujourd’hui. Des recherches, expérimentations et améliorations pré-commerciales en cours pourraient déboucher sur des capacités supplémentaires de puissance installée :
® des recherches sont en cours pour doter les systèmes photovoltaïques de systèmes de prévision de production, comme pour l’éolien ;
® les expérimentations en cours ou à venir sur le stockage et l’autoconsommation (cf. compte rendu de la réunion du 19 mai 2011 et ses pièces jointes) pourront déboucher sur des améliorations significatives en termes de régulation de la fréquence, de lissage des variations des productions intermittentes (jour/nuit, heures creuses/heures pleines…). Cette voie de progrès est très intéressante mais les coûts d’investissement, de maintenance et d’élimination des déchets (batteries) des différentes solutions risquent d’être élevés. Les expérimentations devront donc aussi permettre de préciser ces coûts, de manière à s’assurer de la faisabilité financière de ces solutions et de fonder les solutions de financement sur un modèle économique réaliste.
Au total, les membres de la commission considèrent le seuil de 30 % comme une donnée incontournable de la gestion de la filière photovoltaïque. Ils considèrent cependant que tout doit être fait pour dépasser cette contrainte, en développant les techniques de prévision de production, de stockage et d’autoconsommation – sous réserve de mieux appréhender leurs coûts.
Ils considèrent aussi que le relais doit être pris rapidement par le développement des énergies garanties non intermittentes. En effet, compte tenu du décalage entre puissance installée et quantité d’énergie effectivement produite, même si le seuil de 30 % d’énergie intermittente injectée dans le réseau peut être repoussé, cette forme d’énergie (photovoltaïque et éolien) ne permettra pas, seule, de parvenir à l’objectif de 50 % d’énergie renouvelable. Ainsi, par exemple, avec un seuil à 60 %, le photovoltaïque ne contribuerait qu’à hauteur de 10 à 15 % aux besoins de consommation. La voie de l’énergie garantie est donc de loin préférable. Chacun des territoires d’outremer offre des ressources et potentialités exceptionnelles (hydroélectricité, géothermie, biomasse, énergie thermique des mers ….) qui ne demandent qu’à être développées.
3.3. En conséquence, un consensus s’établit autour d’appels d’offre spécifiques pour l’outre-mer
Un consensus s’est établi dans la commission pour :
– privilégier, chaque fois que cela est justifié, le recours à l’appel d’offres qui permet de faire apparaître le coût de sortie des projets ;
– coupler systématiquement le stockage aux appels d’offres.
Dans le cadre des appels d’offre sur le photovoltaïque, dont le lancement par la CRE avait été annoncé pour juillet 2011, la commission a souhaité, suite à la suggestion de la ministre chargée de l’outre-mer, qu’une place spécifique soit faite à l’outre-mer.
® Dans cette perspective, pour les appels d’offre concernant les installations d’une puissance de plus de 250 KWc (kilowatts crête), correspondant à des grandes surfaces (plus de2 500 m2), le lot réservé aux zones non interconnectées pourrait être découpé (outre la Corse) soit en cinq lots (un par département) soit en deux sous-lots par bassin géographique : un sous-lot Océan Indien (Réunion et Mayotte) et un sous- lot Antilles / Guyane (comprenant Saint-Martin et Saint-Barthélemy). Ces deux possibilités ont été débattues, des avantages et des inconvénients pouvant apparaître dans la mise en œuvre de l’une ou de l’autre. La solution en deux sous-lots permettrait sans doute de mieux optimiser les volumes.
Il est souhaité que l’appel d’offre avec stockage comporte les modalités de recyclage des batteries.
Un tel appel d’offre, qui se traduirait par un contingent par sous-lot, offrirait une meilleure visibilité aux acteurs de la filière dans la mesure où il pourrait être lancé pour une période de deux ans, ce qui permettrait de réserver aux deux sous-lots un volume substantiel (2 fois 14 MW).
A la demande de la ministre chargée de l’outre-mer, l’utilité publique pourrait être retenue au titre des critères d’appréciation des offres. Le préfet, déjà sollicité pour l’instruction de certains critères de sélection des offres dans le cadre de la procédure envisagée, pourrait être le garant d’une bonne sélection des projets relevant de l’utilité publique.
Enfin, le volume mis en appel d’offre devrait porter à la fois sur des installations au sol et sur des installations sur bâtiments et grandes toitures. C’est la seule manière en effet de permettre aux opérateurs de pouvoir respecter, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offre, les attentes et délibérations des collectivités régionales, notamment quand celles-ci s’opposent à l’une ou l’autre des modalités d’installation, comme c’est le cas, par exemple, du conseil régional de Martinique qui ne souhaite pas de fermes photovoltaïque au sol. Pour autant, ce département doit pouvoir bénéficier des avantages offerts par la procédure d’appel d’offre pour des projets d’installations sur grandes toitures.
® Pour les installations photovoltaïques d’une puissance comprise entre 100 et 250 KWc (kilowatts crête), l’appel d’offre simplifié[6] – qui porte sur des bâtiments et toitures – est ouvert à l’outremer dans un cadre national. La commission souhaite s’assurer que les surcoûts existant outre-mer ne s’opposeront pas à l’émergence d’offres pouvant être sélectionnées dans ces départements.
Lors de la séance de la commission du 31 mai 2001, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État a confirmé l’accord du Gouvernement sur la proposition d’appels d’offres spécifiques à l’outre-mer, suggérée par la ministre chargée de l’outre-mer. Cette décision a été mise en œuvre avec les projets d’appels d’offre pour les installations de plus de 250 KWc, mis en consultation le 2 juin 2011.
Certains aspects méritent néanmoins une clarification (cf. proposition n°2).
- Le mode d’installation des panneaux photovoltaïques en toiture présente des difficultés techniques, susceptibles d’avoir un impact en matière tarifaire, et reste à clarifier
Trois techniques sont disponibles pour installer des panneaux photovoltaïques en toiture :
– les systèmes intégrés (intégration au bâti ou intégré simplifié) qui sont dans le plan de la toiture et se substituent à celle-ci pour assurer l’étanchéité, le clos et le couvert du bâtiment ;
– les systèmes en surimposition, qui sont posés sur le plan de la toiture et qui, par construction, n’interviennent pas dans les différentes fonctions de la couverture, notamment l’étanchéité.
Depuis 2006, les modules intégrés ont été privilégiés pour des raisons architecturales, paysagères ou industrielles et ont bénéficié de ce fait d’un tarif d’achat de l’électricité plus élevé que les systèmes en surimposition. Or, on constate outre-mer que la quasi- totalité des installations en toiture a été réalisée en surimposition.
Cette technique bénéficiait, jusqu’à la réforme tarifaire de mars 2011, d’un tarif (40 centimes € par KWh) inférieur à celui offert pour la filière d’intégration au bâti (58 centimes € par KWh) mais qui constituait un optimum technique et économique, compte tenu des conditions techniques et climatiques outre-mer, de la formation des personnels et de coûts d’installation plus faibles.
Depuis la fin du moratoire et la parution des nouveaux tarifs d’achat, il n’y a plus de tarif spécifique aux systèmes en surimposition si bien que le tarif d’achat est celui applicable par défaut, en l’absence d’appel d’offre (12 centimes € par KWh).
L’outre-mer présente par rapport à la métropole de nombreuses spécificités, à la fois climatiques (cyclones, atmosphère saline accroissant le risque de corrosion) et tectoniques (sismicité élevée pour les Antilles). La fiabilité et la durabilité dans le temps des installations photovoltaïques en outre mer dépendent donc du choix judicieux de produits et de techniques résistant aux contraintes mécaniques, aux risques de corrosion et au décollement des panneaux, dans des conditions d’installations compatibles avec le niveau de formation moyen des professionnels opérant dans ces territoires.
En outre, s’agissant de la préférence constatée pour la surimposition, la commission a entendu un certain nombre d’observations qu’elle estime devoir être expertisées : la surimposition se traduit par une couche d’air entre le toit et la plaque photovoltaïque, ce qui paraît favorable à une bonne ventilation en climat chaud et humide ; dans les constructions existantes, la surimposition évite de faire un trou dans la toiture puis de le reboucher par un panneau, ce qui exigerait une maîtrise technique importante, des calculs de dimensionnement et de résistance et une précision dans la mise en œuvre, soit au total une qualification plus importante que la surimposition.
Face à cette situation, la commission a souhaité prendre l’avis du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Dans sa première analyse, présentée devant la commission, le CSTB a considéré que les solutions d’intégré au bâti ou d’intégré simplifié constituaient une technique « faisable outre-mer mais intolérante aux défauts de conception et d’exécution », qui exigeait une réelle maîtrise technique. Le surimposé lui paraissait une technique plus facile à mettre en œuvre et moins exigeante en termes de précisions et de qualifications.
Ceci étant, de nombreux parlementaires, membres de la commission, ont manifesté leur préférence, à terme, pour des solutions d’intégration au bâti. Dès lors, la technique de surimposition qui offre les avantages soulignés par le CSTB à l’issue de son premier examen ne devrait être conservée qu’à titre transitoire, sauf si l’expertise à venir du CSTB conduisait à pérenniser la surimposition en raison d’avantages techniques.
Dans l’hypothèse d’une conservation transitoire de la surimposition, sa durée, qui ne saurait dépasser deux à trois ans, devrait être calibrée en tenant compte notamment des propositions qui pourraient être faites en matière d’amélioration des qualifications.
Dans ces conditions, cet avantage comparatif transitoire de la surimposition pourrait justifier un tarif spécifique, également transitoire. Il conviendra de bien calibrer ce tarif, en fonction des coûts d’installation et de maintenance, sans doute plus faibles que ceux entraînés par les systèmes intégrés, mais aussi en tenant compte de l’ensoleillement qui impacte le rendement. Outre-mer, l’ensoleillement moyen est supérieur de 40 % environ à la moyenne métropolitaine.
Afin de continuer à encourager les efforts d’innovation des professionnels les plus dynamiques et les plus innovants en faveur de l’intégré au bâti, dans le sens souhaité d’ailleurs par les élus, un tarif spécifique à la surimposition devrait reposer au minimum sur une différenciation tarifaire tenant compte des différences de coûts des différentes solutions.
Au total, se posent deux problèmes :
® dans le court terme, le bon calibrage, dans le cadre réglementaire existant, d’un tarif spécifique en cas de surimposition ;
® pour l’avenir, la définition des conditions techniques et de mise en œuvre des différentes techniques d’installation, susceptibles de répondre aux besoins de fiabilité, de résistance et de durabilité, exigées par le consommateur et les assureurs.
Pour apporter des réponses à ces questions, la commission a souhaité qu’une mission soit confiée au CSTB, avec l’appui de l’ADEME. Un avant-projet de lettre de mission est proposé en annexe 3, dont les conclusions pourraient être rendues pour octobre 2011. Une note d’étape devrait être demandée pour le 1er septembre de manière à ce que les pouvoirs publics disposent des éléments nécessaires à la détermination du tarif transitoire.
- Certains aspects de la problématique photovoltaïque ne font pas l’objet d’une appréciation totalement concordante par les parlementaires, ce qui peut s’expliquer par les potentialités énergétiques différentes des territoires qu’ils représentent
5.1. Le développement de la filière photovoltaïque ne présente pas le même intérêt pour le développement de chacun des territoires ultramarins
Les élus n’ont pas la même sensibilité aux problèmes de la filière photovoltaïque pour des raisons qui tiennent notamment :
® au mix énergétique dans leur collectivité. Ainsi, en Guyane, compte tenu de la place de l’hydroélectricité dans la production électrique, le photovoltaïque n’est pas un sujet majeur de préoccupation. La biomasse, issue du bois, énergie garantie, semble y être une filière d’avenir. Une filière mixte solaire thermodynamique et biomasse peut aussi avoir sa place ;
® au degré d’implication des collectivités disposant de la compétence énergétique. Ainsi, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie n’ont pas ou plus mis en œuvre de tarif d’achat. Le cas de l’énergie photovoltaïque dans les collectivités du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) est en effet spécifique à plusieurs égards, étant rappelé que ces collectivités sont compétentes en matière énergétique, en application de leurs lois statutaires respectives.
En premier lieu, contrairement à la situation de certains départements d’outre-mer, le seuil d’énergie intermittente injectée sur le réseau de ces collectivités est encore inférieur à 30 % (14 % par exemple en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, mais, dans cette dernière collectivité, le concessionnaire a une prévision de 26 % si 50 % des projets en attente étaient raccordés). L’ensoleillement aussi bien en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française qu’à Wallis-et-Futuna apparaît pourtant propice au développement de l’énergie photovoltaïque.
En second lieu, il n’existe pas dans ces collectivités, et à la différence de la plupart des autres outre-mer, de tarif de rachat par EDF, ce qui est bien évidemment conforme à la mise en œuvre par celles-ci de la compétence dont elles disposent en matière énergétique. EDF n’intervient pas dans ces territoires dans lesquels la production et la distribution sont concédés à des entreprises qui sont filiales ou ont des participations d’un autre groupe qu’EDF. Ces collectivités considèrent que la politique de rachat est difficile à mettre en place dans ces trois collectivités où l’électricité est déjà chère et le nombre d’abonnés réduit.
Au demeurant, la Nouvelle-Calédonie a essentiellement misé jusqu’à présent sur l’éolien. La Polynésie considère que le développement de cette filière est en retard par rapport aux outre-mer et doit être accéléré. Pour Wallis et Futuna, où aucun développement d’énergie renouvelable (photovoltaïque ou autre) ne s’est produit, souhaite un appui pour aller dans ce sens.
L’État ne peut intervenir pour favoriser le développement de l’énergie photovoltaïque en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna que dans le respect des lois statutaires respectives.
5.2. L’appréciation des effets sur l’emploi des investissements photovoltaïques n’est pas unanime.
Dans des départements et collectivités qui connaissent des taux de chômage de l’ordre de 20 à 25 %, avec de surcroît une reprise de l’augmentation de ces taux depuis deux à trois ans suite à la crise mondiale et à la crise sociale de 2009, l’impact sur l’emploi de la décélération de la filière photovoltaïque préoccupe fortement les élus.
Pour autant, le nombre d’emplois créés par cette filière ne fait pas l’objet d’un constat partagé :
® pour le syndicat des énergies renouvelables (SER), le photovoltaïque aurait créé outre-mer, 1500 emplois en 3 ans ;
® pour le bureau des agréments et rescrits de la DGFIP, qui enregistre[7] le nombre d’emplois créées sur lequel s’engagent les opérateurs eux-mêmes en présentant leur demande d’agrément à la défiscalisation tant au niveau central qu’au niveau des directions régionales des finances publiques, 55 emplois auraient été créés ou maintenus en 2009 pour un volume d’investissements dans les énergies renouvelables (photovoltaïques à 95 %) de 421 millions €.
Cette différence s’explique (outre les investissements de plein droit, sans doute peu significatifs dans ce secteur) par le fait que la DGFIP ne compte que les emplois directs et pérennes créés par les investissements photovoltaïques, à la différence du SER qui évalue également les emplois indirects, notamment ceux liés à la construction des installations, qui ne sont pas pérennes par définition.
Au demeurant, à partir des chiffres fournis par la DGFIP, l’impact en emplois pérennes crées a semblé, à certains parlementaires de la commission, très faible et leur coût très élevé par rapport aux autres secteurs bénéficiant de la défiscalisation : si 55 emplois ont été créés dans les ENR[8] pour 421 millions € d’investissements en 2009 (soit un emploi par tranche de 7,6 millions € d’investissement), 803 l’ont été la même année pour 879 Millions € d’investissements agrées dans l’ensemble des autres secteurs ayant bénéficié de la défiscalisation sur agrément (soit un emploi par tranche de 1 million € d’investissement).
5.3. Les conséquences du moratoire sur les professionnels n’ont pas été perçues de la même manière dans l’ensemble des territoires
L’intervention du Syndicat des énergies renouvelables (SER) devant la commission a permis à celle-ci de mesurer les difficultés rencontrées par les professionnels du fait du moratoire puis des nouvelles conditions mises en place par la réglementation en mars 2011. Ces modifications se sont traduites par une évolution brutale et rapide des conditions de financement des projets et une perte de visibilité pour les opérateurs sur les conditions de développement de la filière.
Le SER et la fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM) ont plus particulièrement souligné les difficultés rencontrées par des installations construites ou en construction avant le moratoire mais qui ne disposaient pas d’offre de raccordement et ne bénéficient donc pas du tarif d’achat antérieur à la réforme de mars 2011. Ces dossiers représentent une puissance de 9, 2 mégawatts.
Si l’on s’en tient aux dossiers dont la demande de raccordement a été faite avant le 2 septembre 2010[9], la puissance concernée est de 5,9 mégawatts. Des demandes de « rattrapage », de « traitement d’urgence » ont été évoquées auprès de la commission avec, comme justification, la « spécificité » de l’outre-mer. Les élus d’outre-mer ont souhaité avec insistance un traitement particulier de ces situations.
La commission a dû prendre en compte le fait que, dans les départements et collectivités d’outre-mer qui ne bénéficient pas de la souplesse d’un réseau interconnecté, la question d’un rattrapage de la file d’attente se heurte au seuil de 30 % d’énergie intermittente injectée dans le réseau, qui est en passe d’être atteint pratiquement partout. Un tel rattrapage signifierait pour les projets (non suspendus) de la file d’attente, des heures de déconnexion rendant improbable l’équilibre financier du projet ou même une impossibilité de raccordement. Ainsi, ceux qui seraient « rattrapés » pourraient porter préjudice à ceux qui sont dans l’ordre normal de la file d’attente.
Au demeurant, le moratoire puis la sortie du moratoire n’ont pas asséché le développement de la filière : après le décret du 9 décembre 2010 qui a suspendu l’obligation d’achat, près de 1 500 dossiers restent dans la file d’attente pour une puissance de 226 mégawatts alors que la puissance correspondant aux dossiers effectivement suspendue est beaucoup plus faible (120 mégawatts). La mise en service des dossiers non suspendus (qui bénéficient des tarifs en vigueur avant le moratoire) représente dix-huit mois de travaux environ.
- Le droit à l’énergie électrique des familles vivant dans des sites isolés – qui passe par des installations photovoltaïques – justifie le maintien d’une aide à l’investissement apportée par l’État et la collectivité nationale
Dans les différents territoires d’outre-mer, un certain nombre d’habitants n’ont pas encore accès à l’électricité ou disposent d’installations à base de groupes électrogènes, coûteux, polluants et fortement générateurs de CO2.
Hormis les cas peu nombreux de retard de développement, cette situation tient à l’isolement et à la géographie qui interdisent de fait le raccordement à un réseau existant. C’est principalement le cas :
® de la Guyane, où des populations isolées vivent le long des fleuves (Haut Maroni et Oyapock) ou au cœur de la forêt, 80 % du territoire guyanais n’étant pas raccordé au réseau électrique du littoral ;
® et de la Polynésie française, dans des îles et atolls trop petits et trop peu peuplés pour avoir engendré la mise en place d’un réseau de distribution.
Comme l’a rappelé la ministre chargée de l’outre-mer, le photovoltaïque représente, en l’état actuel des choses, une des solutions les plus crédibles pour un accès à l’énergie des populations isolées concernées.
6.1. La situation en Guyane et en Polynésie française
L’accès à l’électricité photovoltaïque – par des familles qui le plus souvent disposent de faibles ressources et sont éloignées de collectivités disposant de personnels pouvant monter des dossiers et des projets – suppose que soient résolue deux difficultés :
® le montage du dossier permettant de sélectionner un opérateur, d’assurer la maîtrise d’ouvrage et la construction de l’installation et de garantir ensuite sa maintenance ;
® le bouclage financier.
Des solutions ont été peu à peu mises au point, faisant appel à des solutions techniques et financières différentes (Cf. compte rendu de la réunion du 19 mai 2011) :
® En Guyane, l’installation d’équipements mixtes photovoltaïque/diesel a été décidée en décembre 2010 pour 250 familles isolées, éparpillées sur le territoire de la commune de Maripasoula (Haut-Maroni). Le montage du dossier, sous maîtrise d’ouvrage communale (la communauté de communes de l’ouest guyanais), a bénéficié de l’appui d’EDF-SEI. Ce projet, d’un coût de 6,3 millions €, est financé par le Fonds d’amortissement des charges d’électricité (FACE). La subvention du FACE (78 %) est sans commune mesure avec la contribution d’un montage en défiscalisation (de l’ordre de 30 %). Le complément de financement est apporté par l’Union Européenne (FEADER pour 18 %) et la communauté de communes (4 %). On peut enfin ajouter qu’une avance de trésorerie pour amorcer les travaux est effectuée par le FACE et que le financement de l’investissement bénéficie aussi du FCTVA[10].
® En Polynésie française, deux programmes ont été mis en place au profit de familles ou de petites communes isolées.
1 500 familles isolées réparties dans une trentaine d’îles des archipels polynésiens ont bénéficié, depuis 1997, d’un équipement électrique minimum à partir d’une installation photovoltaïque avec batterie. Le coût d’une installation est de l’ordre de 30 000 à 35 000 €. Le financement était apporté par la collectivité de Polynésie, l’ADEME, la famille bénéficiaire et la défiscalisation métropolitaine à hauteur d’environ 30 %. La famille acquitte une redevance mensuelle pendant 15 ans destinée à financer la maintenance et le remplacement de la batterie au bout de 6 à 7 ans. Le programme fait intervenir, outre l’ADEME, un arrangeur en défiscalisation et un industriel ;
six villages situés dans des îles éloignées des Tuamotu ont bénéficié, aux côtés de financements de la collectivité de Polynésie, de crédits européens (9è FED) ou du FEI (fonds exceptionnel d’investissements) pour des équipements en centrales hybrides (photovoltaïque et diesel). Le FED est intervenu à hauteur de 50 % et le FEI à hauteur de 75 %. Les travaux sont en cours. La défiscalisation métropolitaine n’a pas été sollicitée. Aucune autre demande d’équipement n’a été signalée.
Ainsi, en Guyane, le financement est quasi exclusivement apporté par une subvention du FACE, qui dispose d’un programme spécial « sites isolés », dans la mesure où il peut être plus économique d’installer un moyen de production autonome plutôt que de construire un raccordement au réseau.
La voie de la subvention (FED ou FEI) a également été retenue pour des communes isolées de Polynésie française. Par contre, une solution mixte (défiscalisation métropolitaine et subventions de l’ADEME et de la collectivité) est en place depuis une quinzaine d’années au profit de familles isolées.
6.2. Pour l’avenir, au-delà des projets d’ores et déjà décidés et financés, comment se présentent les développements futurs ?
® En Guyane, d’autres dossiers sont en cours de préparation de manière à être présentés au FACE, pour financer l’électrification de communautés de l’intérieur (pour Saul, présentation prévue en 2011) et d’autres sites isolés le long des fleuves (pour Apatou et le Haut Oyapock, présentation prévue respectivement en 2011 et 2012)).
Par contre, des difficultés sont signalées dans des communes du littoral : dans des communes connectées au réseau électrique, certains sites n’y sont pas reliés. Or, rien ne s’oppose à ce que la FACE (dont la vocation première est l’électrification rurale) intervienne sur ces sites dès lors que la maîtrise d’ouvrage est organisée : la création d’un syndicat d’électrification intercommunal (dans l’aire départementale), susceptible ensuite de recruter du personnel pour piloter les projets et monter le dossier du FACE, avec l’appui d’EDF-SEI, constitue sans doute la principale réponse aux difficultés rencontrées.
® En Polynésie française, il faudrait craindre que l’absence de défiscalisation sur les installations photovoltaïques n’interrompe la poursuite du programme d’équipement des familles isolées. Ce programme doit en effet être mené à son terme. Il reste 200 familles environ à équiper dans les Tuamotu, sur une durée de 4 à 5 ans. Le financement correspondant à la part apportée par la défiscalisation représente environ 2 millions € à mobiliser sur cette durée. Une solution doit donc être trouvée.
Deux voies sont possibles :
Le recours à des subventions en proportion plus importante que dans les montages existants (ADEME, FED, sans exclure la possibilité d’explorer la voie offerte par le FACE) ;
Une réouverture ponctuelle de la défiscalisation des investissements en matière d’installations photovoltaïques sur sites isolés.
Dans le délai qui sépare la réunion de la commission des arbitrages du prochain PLF, il apparaît donc opportun :
d’expertiser et contrôler les montages existants recourant à la défiscalisation, de vérifier que les 1 500 installations de Polynésie sont encore en bon état de fonctionnement au profit des familles et, en définitive, de s’assurer de la bonne utilisation de l’argent public ;
de vérifier si le FACE peut ou non intervenir dans les communes des collectivités d’outre-mer, disposant de la compétence énergétique, étant rappelé, par exemple, que les communes de Polynésie françaises sont encore en partie sous la tutelle de l’État dans l’état actuel de la loi organique statutaire ;
de s’assurer, si une décision de réouverture de la défiscalisation était prise, que le législateur saurait traduire dans la loi fiscale le concept de « site isolé ». Les débats parlementaires (au Sénat par exemple, séance du 23 novembre 2010) ont montré toute la difficulté d’une telle écriture.
Enfin, il pourrait être judicieux, quelle que soit la solution retenue, de proposer à la collectivité de Polynésie – compétente en matière énergétique – qu’elle étudie la possibilité de recourir à un appel d’offres.
- Dix propositions pour accompagner un « développement raisonné des énergies renouvelables intermittentes [11]»
A l’issue de ses travaux, la commission d’évaluation des investissements photovoltaïques en outre-mer réaffirme solennellement la volonté des élus d’outre-mer de développer fortement et rapidement les énergies renouvelables pour atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement d’autonomie énergétique en 2030, avec un pallier intermédiaire de 50 % en 2020. Le potentiel et la diversité des énergies renouvelables sont considérables et constituent une chance dont les outre-mer doivent se saisir pour favoriser un développement plus endogène.
Dans cette perspective, les investissements photovoltaïques ont constitué un des déterminants essentiels de la prise de conscience nécessaire pour inscrire les territoires ultramarins dans le développement durable. En même temps, leur croissance très rapide et les sur-financements dont a bénéficié ce secteur ont engendré des effets d’aubaine et une bulle spéculative, à l’origine de coûts excessifs pour le budget de l’État (défiscalisation) ou le consommateur (CSPE) et d’un dévoiement des moyens de financement des économies ultra-marines. Il s’agit désormais d’assurer un « développement raisonné du photovoltaïque », s’inscrivant dans une dynamique de relance des autres énergies renouvelables, non intermittentes, et de poursuite des efforts de maîtrise de la demande.
La commission formule à cet effet les dix propositions suivantes, dans l’objectif d’un renforcement maîtrisé de l’efficacité de la filière photovoltaïque et d’approfondissement de la transparence entre les élus et les acteurs de la filière photovoltaïque.
® PROPOSITIONS DE COURT TERME
Proposition n°1. Reporting, tous les trimestres, sur le site d’EDF-SEI, et pour chaque département/région d’outre-mer, du taux estimé d’énergie intermittente sur le réseau (total éolien + photovoltaïque et photovoltaïque seul), représentatif de la puissance raccordée. Dès que ce taux dépasse 25 %, le reporting deviendrait mensuel, ce taux étant d’ailleurs déjà atteint à la Réunion.
Proposition n°2. Dans le cadre des appels d’offre photovoltaïques (installations de plus de 250 KWc) mis en consultation début juin 2011, des sous-lots ont été réservés à l’outre-mer à l’intérieur du lot n°5 réservé aux installations avec stockage situées dans les zones non interconnectées, comme cela avait été suggéré à la Commission par la ministre chargée de l’outre-mer (Cf. § 3.3). Il est demandé d’améliorer l’efficacité du dispositif mis en consultation en prévoyant que ces sous lots, actuellement réservés à des appels d’offre pour des centrales solaires au sol soient élargis aux installations sur toiture ou sur bâtiments, de manière à pouvoir répondre s’il y a lieu aux délibérations et souhaits des conseils régionaux.
A l’issue du premier appel d’offre, une clause de revoyure permettra, s’il y a lieu et en fonction de la répartition effective des offres entre départements, de trouver un dispositif permettant de répartir plus équitablement les offres entre départements d’un même sous-lot.
Dans le critère de notation sur l’acceptabilité locale, il est demandé que l’avis favorable du conseil régional Guadeloupe soit sollicité, comme c’est d’ailleurs déjà prévu pour l’assemblée de Corse.
De manière générale, les critères de notation devront mieux intégrer l’avis des conseils régionaux, avis qui devrait bénéficier d’une meilleure pondération. Il devrait également être tenu compte du critère d’utilité publique de certains projets dans la notation.
Enfin, au vu de l’expérience de la Guadeloupe, habilitée, en application de l’article 73-3 de la Constitution, à fixer les règles applicables en matière de développement des énergies renouvelables, et à la lumière de l’expérience Corse, une évaluation de l’habilitation en matière énergétique devrait être réalisée.
Dans le cadre des appels d’offre simplifiés portant sur des installations photovoltaïques d’une puissance comprise entre 100 et 250 KWc, il est à craindre que, compte tenu de surcoûts empêchant des projets d’être bien classés dans les ZNI d’outre-mer, ces régions n’aient pas réellement leur place dans cet appel d’offres. La commission demande qu’y soient intégrées des modalités spécifiques à l’outre-mer, étant observé que rien ne s’oppose à ce que ces projets soient présentés avec stockage.
Proposition n°3. S’agissant des conflits d’usage sur les terres agricoles, ceux-ci pourraient partiellement être résolus au travers des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles, qui devraient être prochainement créées par Ordonnance dans les DOM ainsi qu’à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il conviendrait de prévoir expressément que les installations photovoltaïques au sol doivent faire l’objet d’un avis favorable de cette commission. Simultanément, le dispositif devrait être rendu applicable dès la publication de l’ordonnance de manière à être pris en compte dans les appels d’offre.
Proposition n°4. S’agissant de la technique de surimposition, la hiérarchie des tarifs d’achat actuellement en vigueur (entre 35,2 et 46,0 centimes €/KWh pour l’intégré, entre 28,83 et 30,35 centimes € /KWh pour l’intégré simplifié et 12 centimes € en pratique pour la surimposition) incite à recourir aux systèmes d’intégration au bâti alors même que l’intervention du CSTB devant la commission a conclu que « la technique d’intégré au bâti ou d’intégré simplifié était faisable outre-mer mais intolérante aux défauts de conception et d’exécution ». En conséquence, le surimposé lui paraissait une technique plus facile à mettre en œuvre et moins exigeante en termes de précisions et de qualifications. Dans ces conditions, un tarif plus attractif pour le surimposé serait plus conforme à ce premier avis du CSTB.
Pour clarifier la question des équipements de toiture (intégré au bâti, intégré simplifié ou en surimposition), une expertise est demandée au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) de manière à préciser les avantages et les inconvénients des différentes techniques dans les départements et collectivités d’outre-mer, confrontés à des conditions climatiques et tectoniques particulières, et à formuler des recommandations garantissant la fiabilité et la durabilité des installations photovoltaïques dans ces conditions. Un projet de lettre de mission au CSTB est annexé à cet effet au présent rapport.
L’expertise demandée au CSTB doit contribuer à déterminer les conditions de mise en place d’un tarif spécifique pour la surimposition dans les DOM. Ce tarif aurait vocation à être transitoire dans la mesure où, à terme, les élus ont indiqué leur préférence pour des systèmes d’intégration au bâti. En effet, il n’existe plus, depuis la réforme tarifaire de mars 2011, de tarif de rachat tenant compte de la spécificité technique et climatique de l’outre-mer, ce point très particulier de l’intégré au bâti en zone cyclonique n’ayant pas été identifié lors de la concertation menée par les ministères entre le 20 décembre 2010 et le 11 février 2011. Une note d’étape concernant les éléments nécessaires à la détermination d’un tarif spécifique à la technique de surimposition est demandée au CSTB pour le 1er septembre 2011.
Proposition n°5. Pour les membres de la commission, le droit à l’énergie électrique des familles vivant dans des sites isolés – qui passe nécessairement par des installations photovoltaïques – justifie le maintien d’un financement durable de l’investissement, apporté par l’État et la collectivité nationale.
Les montages financiers actuels en Guyane et en Polynésie française font appel à de nombreux mécanismes de subventions mais également à de la défiscalisation métropolitaine pour ce qui concerne des familles isolées dans certaines îles de Polynésie.
La suppression de la défiscalisation pour les installations photovoltaïques conduit la commission à demander que, dans le délai de préparation du prochain PLF, des expertises complémentaires soient menées pour garantir pour l’avenir le financement de ces installations sur les sites isolés :
® expertise et contrôle des montages existants en vue d’une comparaison des avantages et inconvénients des solutions intégrant des subventions d’une part, de la défiscalisation d’autre part, tant du point de vue de la satisfaction des familles bénéficiaires que de l’utilisation de l’argent public ;
® vérification de la capacité du FACE à intervenir dans les collectivités bénéficiant de la compétence énergétique ;
® possibilité de recourir à des appels d’offre sur un projet global.
La solution retenue pour les sites isolés pourrait être mise en œuvre dans les Iles de Wallis et Futuna pour encourager le développement du photovoltaïque dans cette collectivité.
PROPOSITIONS DE MOYEN / LONG TERME
Proposition n°6. Le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), résultant dela loi Grenelle2, pourrait prévoir qu’un « schéma régional du photovoltaïque au sol », soit annexé au SRCAE, comme c’est déjà prévu pour l’éolien. Une modification législative est nécessaire.
Proposition n°7. Une accélération et un développement des expérimentations en cours ou à lancer sont vivement souhaités notamment celles qui portent sur le stockage et l’autoconsommation des ménages dans la mesure où ces processus constituent le seul moyen de s’affranchir du seuil de 30 % d’insertion des énergies renouvelables intermittentes dans le réseau. Ce devrait être notamment le cas du projet MILLENER par lequel EDF-SEI va tester les avantages et difficultés d’un stockage décentralisé chez les consommateurs, auprès de 1 000 familles notamment à la Réunion et en Guadeloupe.
Sans doute faudrait-il aussi aller plus loin dans l’expérimentation de l’autoconsommation par les ménages, comme c’est apparu en Allemagne, avec la consommation par les ménages de leur propre production électrique, tout en sachant que les coûts sont sans doute beaucoup plus élevés. A l’heure actuelle, le coût du stockage renforce en effet les surcoûts de l’énergie issue du photovoltaïque. Mais de telles expérimentations pourraient présenter un intérêt dans la durée, dans la mesure où, dans quelques années, les coûts du photovoltaïque et du stockage auront baissé et où les actions de maîtrise de la demande auront porté leurs fruits.
Proposition n°8. Toutes les préoccupations et demandes de clarifications des parlementaires ne recevront pas de premiers éléments de réponse à court terme. Certaines pourront exiger davantage de temps. C’est le cas des premiers enseignements à tirer des expérimentations en cours ou à lancer en matière de stockage et d’autoconsommation ; c’est aussi le cas des expertises complémentaires demandées sur le financement des sites isolés. Aussi, est-il proposé que la commission puisse reprendre ponctuellement ses travaux dès que des éléments d’information nouveaux seront disponibles. Dès lors, la commission pourrait continuer ses travaux et se réunir chaque fois qu’un élément nouveau en fait apparaître l’utilité.
Proposition n°9. Certains élus ont évoqué la possibilité de créer une taxe particulière sur les bénéfices réalisés par les opérateurs d’investissements photovoltaïques ayant bénéficié de nombreux avantages (tarifs d’achat, défiscalisation, TVANPR….). La commission souhaite que soient examinées la faisabilité juridique de cette proposition, la nature des installations pouvant y être soumises et la rentabilité de ces opérations.
Proposition n°10. La commission souhaite que soit mise à l’étude par la DLF une éventuelle modification du crédit d’impôt sur le revenu de 22 %, prévu à l’article 200 quater du CGI au titre des dépenses supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale du logement, de manière à examiner dans quelle mesure les spécificités des revenus des ménages ultra-marins pouvaient justifier une telle modification.
[1] 30 % à Mayotte.
[2] Source : ODEADOM.
[3] Délibérations du 17 décembre 2010, parues au JO du 5 mars 2011.
[4] Article 68 dela loi Grenelle 2, codifié aux articles L222-1 à L222-3 du code de l’environnement. Les SRCAE devaient être rendus un an après la promulgation dela loi Grenelle 2, soit au 13 juillet 2011. Cette échéance devrait être repoussée.
[5] Ce projet d’Ordonnance a été transmis au Conseil d’Etat.
[6] L’appel d’offre est dit « simplifié » dans la mesure où il ne comporte qu’un critère de classement : le tarif d’achat de l’électricité proposé par l’opérateur.
[7] Cf. Rapport au Parlement sur la mise en œuvre de l’agrément en faveur des investissements réalisés outre-mer dans certains secteurs économiques (2006 à 2009), remis le 12 avril 2011 aux membres de la commission.
[8] Dans ces données, les ENR sont à 95 % constituées d’investissements dans le photovoltaïque.
[9] Il s’agit de dossiers pour lesquels EDF –SEI n’a pas répondu dans les trois mois, compte tenu de l’explosion du nombre de demandes de raccordement déposées dans les derniers jours du mois d’août 2010,
[10] Bien que la TVA ne soit provisoirement pas applicable en Guyane.
[11] Selon la formule utilisée par le CIOM.