SAUVER LE TOURISME AUX ANTILLES septembre 2011
A l’annonce faite par le Président de la République en début d’année de l’ouverture d’une liaison aérienne vers les Antilles depuis Roissy Charles de Gaulle, puis suite à la mise en œuvre de la mission de médiation BODON et plus récemment la préparation et la signature des « contrats de destination » vers la Guadeloupe et la Martinique, des travaux de réflexion ont été relancés sur l’avenir de la filière touristique aux Antilles. Enfin, le Sénateur Michel MAGRAS a déposé un rapport sur le thème tourisme et environnement principalement consacré aux Antilles et qui a fait l’objet d’un débat au Sénat le 28 juin dernier.
En Guadeloupe le Groupement Hôtelier et Touristique, qui représente environ 75 % des chambres, s’est livré à un nouveau travail d’analyse sur la situation des hôtels de l’archipel. De même le Groupement ZILEA à la Martinique (61 % de chambres) a-t-il examiné l’évolution hôtelière au 1er semestre des 4 dernières années
Le constat rappelle en Guadeloupe la forte régression des capacités hôtelières au fil des ans. Ainsi, sur un panel de 38 hôtels en exploitation en 2 000, 18 étaient fermés en 2010, un transformé en appartement, un autre en résidence de tourisme et environ la moitié des chambres avaient disparu.
La crise a démarré en 2001 avec une aggravation jusqu’en 2003, puis la tendance s’est inversée jusqu’en 2 008 où les chiffres sont bons, mais 2 009 accuse un effondrement avec un taux moyen d’occupation des chambres réduit à 45, 5 % et un chiffre d’affaires de 38, 3 %.
L’année 2010 montre une reprise à partir du 3ème trimestre seulement et sans atteindre les résultats de 2008. Le chiffre d’affaires reste inférieur de 6, 4 % à celui de 2 008, le prix moyen par chambre de 2, 8 % et la masse salariale est en baisse de
17, 7 %.
Le premier trimestre 2011 confirme la tendance à une augmentation sensible du taux de remplissage par rapport à 2010.
En Martinique, après deux années 2009 – 2010 peu significatives car dans la continuité de la crise sociale qui a marqué les DOM au 1er trimestre 2009, 2011 enregistre une timide reprise. Toutefois, on observe peu d’évolution sur la destination en termes de capacité hôtelière et de rénovation des produits. Aussi, les
principales données du 1er semestre demeurent-elles très sensiblement inférieures à celles du 1er semestre 2008.
Ainsi, le nombre de nuitées a-t-il baissé de 13, 5 % et le taux d’occupation global de 10, 2 % à 55, 4 %. En outre, le revenu moyen par chambre a même quelque peu fléchi de 0, 7 % à 102, 5 €.
Ces évolutions lourdes conduisent à diagnostiquer des caractéristiques d’exploitation insoutenables dans la durée et à formuler un certain nombre de propositions de relance.
1 – Des caractéristiques d’exploitation insoutenables dans la durée
― La masse salariale représente, en Guadeloupe, une part trop élevée des chiffres d’affaires : près de 50 % contre 33 à 38 % en Europe.
En effet, la rémunération annuelle moyenne est supérieure de 30 % à celle de l’hexagone et le temps de travail y est inférieur de 13 %. L’effectif moyen par chambre disponible ou louée est supérieur de près de 80 % à celui de la métropole pour une majorité d’établissements déterminant un chiffre d’affaires réalisé par salarié inférieur de 33 % à celui de l’hexagone.
― Ainsi, le coût salarial par chambre occupée est en moyenne en 2010 de 71, 04 € pour un prix de vente moyen de 84, 77 €, ne laissant subsister qu’un différentiel trop faible pour permettre une exploitation durable.
Il conviendrait d’améliorer le ratio de masse salariale par chambre occupée, notamment en remplissant mieux les hôtels en basse saison. Il est à noter cependant que le prix de vente moyen par chambre au premier trimestre 2011 remonte de
7, 25 %.
― Au total, le résultat brut d’exploitation (chiffre d’affaires moins charges d’exploitation) demeure ainsi très faible et très en-deçà de la moyenne métropolitaine. Il ne permet donc guère de dégager les marges nécessaires à l’entretien et au renouvellement de l’outil de travail.
2 – Des propositions pour relancer le tourisme aux Antilles
Divers leviers devraient pouvoir être utilisés au-delà des mesures de circonstance que constitue la négociation de moratoires au cas par cas.
― Améliorer les recettes
. Afin de briser une trop forte saisonnalité, il est beaucoup attendu d’un accroissement de la clientèle européenne qui serait facilité par la nouvelle desserte aérienne expérimentale depuis Roissy, à partir de novembre prochain.
Il s’agit, à ce stade, de mettre en place un vol vers Fort-de-France et un vol vers Pointe-à-Pitre, pris sur le nombre de vols à partir d’Orly et n’offrant donc pas de sièges supplémentaires. Mais, toutes les précautions devront être prises pour que cette nouvelle tentative soit un succès qui seul permettra d’augmenter le nombre de vols et la fréquentation touristique avec l’objectif ambitieux de passer de 500 000 à 1 000 000 de touristes en 5 ans en Guadeloupe.
En tout cas, à court terme, l’accueil de nouveaux clients européens ne pose pas de problème de capacité, même en haute saison pour deux avions supplémentaires vers chacune des destinations.
. Elever le prix moyen de la chambre
Le desserrement de la contrainte de saisonnalité devrait permettre d’augmenter progressivement le prix de vente moyen de la chambre, mais cela sera surtout rendu possible par une amélioration de la qualité de l’offre hôtelière dans laquelle se sont engagés les hôteliers des deux DOM antillais à la faveur de la signature du contrat de destination lié à l’ouverture de la desserte aérienne à partir de Roissy.
Des actions de rénovation hôtelière, facilitées par des dispositions de la LODEOM, permettront aux hôtels qui le peuvent d’accéder au nouveau classement hôtelier. De même, des labels qualité tourisme et le label handicap seront mis en place. Seront en outre dispensées des formations destinées à élever la compétence des salariés et la qualité de l’accueil.
Dans cette perspective, l’Etat pourrait apporter son aide à l’implantation d’une école hôtelière privée, au niveau de formation Bac + 5 et master, du type Vatel, qui participerait par ailleurs au rayonnement des Antilles françaises dans le monde.
― Baisser les charges d’exploitation
. Alléger les frais de personnel
L’objectif serait d’obtenir l’application intégrale de la Convention collective nationale tout en trouvant des solutions de transition pour les personnels en place. Il faudrait alors résoudre les problèmes nés du 13ème mois, de la prime d’ancienneté et du temps de travail.
La fermeture en basse saison des établissements qui le souhaiteraient devrait pouvoir être rendue possible par l’application simplifiée des dispositions de chômage partiel.
De même, le rétablissement des congés de solidarité permettrait un certain rajeunissement des effectifs.
. Réduire d’autres charges
à Taxes de séjour
Les taxes de séjour forfaitaires sont en fait déconnectées de la réalité et devraient être perçues « au réel » ce qui suppose une modification de la loi au plan national.
En outre, la possibilité pourrait être ouverte de mettre temporairement ou partiellement en sommeil les taxes de séjour avec compensation de l’Etat auprès des collectivités comme pour les taxes foncières.
à Pour les hôtels qui font l’effort de rester ouverts en Basse Saison, soit 7 mois sur 12, la Taxe de Séjour pourrait même être supprimée.
à Enfin, d’autres pistes pourraient être explorées pour comprimer certains postes de charges : notamment le prix de l’eau en hausse constante et la redevance audiovisuelle trop lourde eu égard à la médiocrité des programmes locaux.
Tous ces points méritent que se développe la concertation nouée à l’occasion de l’établissement du constat de destination entre tous les acteurs concernés. Et peut- être y aurait-il opportunité à réunir un Grenelle du Tourisme sur les évolutions conjoncturelles les plus récentes du secteur sur la mise en œuvre des mesures de la LODEOM et sur les dispositions complémentaires qui restent à prendre pour une relance durable du tourisme aux Antilles.