« Les DOM, pas oubliés de la régulation »
Les départements d’outre-mer, confrontés au problème structurel de la vie chère, « ne sont pas les oubliés de la régulation », a affirmé à l’AFP Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence.
Quand avez-vous commencé à travailler sur les DOM ?
Bruno Lasserre : « Même si notre travail avait débuté avant, depuis le déclenchement de la crise de 2009, nous nous sommes mobilisés : nous avons rendu 11 décisions, émis 5 avis et statué sur 7 opérations de rachat ou de fusion d’entreprises. C’est une part très importante de notre activité. Cela n’avait jamais été le cas avant. Parmi les causes de la protestation sociale, nous avons entendu la préoccupation liée à la vie chère, à laquelle l’Autorité répond en actionnant plusieurs leviers. Nous menons des enquêtes et avons déjà pris des décisions, notamment de sanctions, dans les secteurs des carburants, des télécoms, de la grande distribution/importation, qui pèsent lourd sur le pouvoir d’achat des ultramarins. Nous avons mis au jour une entente entre grandes compagnies pétrolières à La Réunion et sanctionné des pratiques de France Télécom aux Antilles et de SFR à La Réunion. Un autre de nos leviers consiste, par nos avis, à faire de la pédagogie afin de faire évoluer la législation ou la réglementation. Enfin, nous agissons en amont à travers le contrôle des rachats et fusions d’entreprises pour éviter davantage de concentration. »
Comment lutter contre la vie chère ?
B. L. : « La vie chère est d’abord liée à des facteurs objectifs : éloignement, insularité et petite taille des économies. Ce serait une fiction d’attendre les mêmes prix qu’en métropole. Les crises ont été un révélateur, mais nous ne pouvons pas changer une situation structurelle d’un coup de baguette magique. Certains disent qu’il faut une économie administrée avec contrôle des prix et des marges, mais cela ne traiterait pas le problème. L’autre voie est de stimuler et renforcer la concurrence pour contraindre les opérateurs à réduire leurs marges. Il nous paraît important de limiter la dépendance vis-à-vis de la métropole et de trouver l’équation d’une économie locale plus prospère, plus compétitive et créant des emplois. Actuellement, les productions locales sont aidées, plus sur des critères d’emplois que de compétitivité, et donc de prix. Peut-être faudrait-il revoir cela. »
Trois ans après la crise, quelle est la situation ?
B. L. : « Dans les télécoms, la situation a évolué et dans la grande distribution, de nouveaux arrivants sont entrés sur le marché. Mais la crise mondiale a ralenti des projets, et, dans certains secteurs (banques, stations-service), la tendance est plus au désengagement qu’à l’investissement. Globalement, l’Autorité est mieux connue dans les DOM : les gens ont la vie dure mais savent qu’ils ne sont pas les oubliés de la régulation. »